N’est-ce pas contraire à l’esprit de la Torah de dire que la souffrance endurée par Israël lors de la Choa a affaibli le mal et a engendré un mouvement de téchouva?

 

Cher Monsieur le Rav,
Concernant la Shoa je ne doute pas des raisons très importantes que vous évoquez ; mais pour un néophyte comme moi, la raison du front russe est sans nul doute la plus tangible et la plus convaincante à expliciter à des non juifs.
Néanmoins dans votre propos vous estimez que la souffrance endurée par le peuple d’Israël a affaiblie le mal et a généré un mouvement de Téchouva.
  • Est-ce à dire que la religion juive est basée sur une vision qui induit que pour vaincre le mal on doit souffrir au point d’offrir sa vie en holocauste ?
  • N’est ce pas contraire à l’esprit de la Torah où il semble que la vie doit être conservée coûte que coûte ?
Merci de vos réponses.

 

 

Réponse du Rav Ron Chaya : 

Chalom,

J’ai eu beaucoup de plaisir à lire vos réponses ; voici les miennes à vos questions :

  • La vie doit être conservée coûte que coûte. 

    Le judaïsme est peut-être la religion la plus soucieuse et la plus inquiète de préserver non seulement la vie mais aussi la santé et le bien-être de chaque être humain, et même du monde animal.
    Il est interdit de faire souffrir un animal, à plus forte raison un être humain même si on ne blesse ce dernier qu’avec la parole, en cela on transgresse un interdit aussi grave que celui de manger du porc, et peut-être même plus encore plus grave.Néanmoins, le monde a été créé dans le but suivant (en très très bref) :

    Hachem veut nous donner le plus grand cadeau qui puisse exister, ce cadeau est celui d’être, et d’être d’amplitude divine.
    Afin d’être, il faut qu’il y ait un libre-arbitre, et pour en avoir un il faut que l’homme ait deux choix possibles :
    Celui de la vérité
    et
    Celui du mensonge.

    La vérité est la réalité qui est, le mensonge n’a pas de réalité réelle et n’est qu’illusoire et imaginaire.
    Cependant, l’homme est très tenté par le mensonge, et lorsqu’il est en situation de choix entre faire un acte qui va dans le sens du mensonge ou dans celui de la vérité, pour parvenir à la vérité il doit se battre face à des pulsions puissantes l’entraînant vers le mensonge.

En cela est son mérite, en cela il est.
Le « choix » du mensonge n’en est pas un, il s’agit au contraire d’une démission de l’être face aux tentations qu’il subit.
S’il a retenu ses pulsions et a choisi la vérité aux dépens des plaisirs qu’il aurait pu avoir à aller dans le mensonge, il a droit à la réalité d’être.
Plus que cela : il a investi dans la vérité.
On considèrera une proposition comme vraie si elle est conforme à la réalité, donc à ce qui est ; on dira qu’une proposition est mensongère si ce qu’elle affirme est contraire à la réalité, donc le mensonge est ce qui n’est pas.
Or, la seule chose qui est vraiment est la divinité car le monde entier est éphémère étant voué un jour à disparaître.
Même la science l’affirme.
  • Donc qu’est-ce qui est vraiment ?
    D. Lorsqu’une personne s’investit dans la réalité, elle investit dans D., elle acquiert par cela non seulement la faculté d’être mais aussi celle d’être de dimension divine.
Le grand cadeau que D. a fait à l’humanité est que cette possibilité d’être de dimension divine n’est pas un don gratuit.
Ce dernier ne donne pas une vraie acquisition à la personne qui le reçoit, ce n’est pas elle, de plein droit, qui le mérite et le possède.
Donc le vrai cadeau est celui qui s’obtient par l’effort fourni, en cela est notre mérite, tout le reste ne nous appartient pas : notre être, nos facultés, nos dons, tout cela provient de D.
  • Mais quelle est la chose que nous avons vraiment fait nous-mêmes ?
    L’effort dans l’investissement.
Si une personne n’a pas investi et qu’elle s’est engagée toute sa vie dans le mensonge, dans le non-être, est-elle vraiment vouée à ne pas avoir d’être pour l’éternité ?
Cette solution est la pire qui puisse exister, mais D., dans son amour, permet aussi à cette personne d’accéder à l’éternité.
  • Comment ?
    D. lui fera faire malgré elle les efforts qu’elle aurait dû faire pour investir dans la vérité. Il considèrera la somme d’efforts qu’elle aurait dû faire pendant quelques dizaines d’années et la lui fera faire en quelques jours, on appelle cela la souffrance car tout effort correspond à de la souffrance.
On appelle une petite souffrance effort, et une grande souffrance souffrance, mais c’est la même chose.
Donc la souffrance, bien qu’elle ne soit certainement pas souhaitable, est le seul moyen de pallier à la démission du choix de vérité qu’une personne aurait faite dans sa vie.
Quelque part, la souffrance lui permet d’être car bien qu’elle souffre malgré elle, c’est cependant bien elle qui souffre, elle a donc donné d’elle-même.

Lorsque le peuple d’Israël ne fournit pas les efforts suffisants pour accéder à son statut d’être de dimension éternelle et divine, il y arrivera au moyen de ce palliatif qu’est la souffrance.

C’était en très très bref, je vous recommande consulter les cours suivants pour comprendre ce sujet profond et essentiel du judaïsme :

Ou encore

A très bientôt.
Rav Ron Chaya

 

 

Référence Leava : 21350
Date de création : 2012-12-02 12:12:58