La foi juive transcende tout, même l’incompréhension la plus totale. C’est parce qu’on croit, qu’on cherche à comprendre. On ne doit pas chercher à authentifier.

 

Kvod Harav,

Je vous avez déjà écrit concernant votre conférence de Dauphine sur  » Il est absurde de croire » sans réponse de votre part.
Le Rambam dans Hilhot avodat cohavim (Perek Beith alaha Guimel) semble indiquer le contraire exact de votre thèse.

  • J’ai moi même assisté a des chiourim de Rabanim de renom contre-indiquant votre thèse (Rav Heymann en vrai, et Rav Rozenberg à plusieurs reprises sur www.ahavatorah.com), notamment dans un cours sur ‘hanouka de Rav Haymann disponible sur www.chiourim.com.
  • De plus j’ai eu une discussion avec Rav David Avrahami à ce sujet (anciennement Machguia’h de Yérouham et ‘havrouta du Rav Wolbe Zal) qui a quasiment sursauté quand je lui ai dit le titre de votre conférence.

C’est précisément le contraire m’a-t-on dit, et de me raconter l’histoire du Brisker Rouv qui était triste vers la fin de sa vie parce que pendant la Choa il se trouvait face a un barrage allemand et il a pensé très fort  » ein od milévado », et les SS ont disparu.
Il disait ne plus accomplir la mitsva de Emouna depuis ce jour là.
Puisque maintenant il sait ; alors il ne croit plus
(à son niveau sa croyance était bien supérieur a ce que moi j aurais ressenti même en voyant un ness pareil.
Mais quand même, si il sait, alors il ne croit plus !!!)

Je ne vous écris pas pour vous mettre en concurrence, et je suis « carpette » devant votre travail, votre crainte du ciel, et je vous écris remplie d’humilité.
Je n’arrive pas à la semelle de vos chaussures, mais la Emouna est un sujet qui m’est cher et je cherche le Émet.

C’est ainsi qu’avec beaucoup d’humilité je vous fais savoir que je trouve votre thèse dangereuse et choquante, parce que selon vos critères, bon nombre de juifs (et le Brisker Rouv dans le lot) sont comparable à Ben Laden et sont des fanatiques.

  • Laissant de coté les fondements de votre thèse qui sont ‘hidouchik au possible, à la limite pourquoi pas ?
    (à condition d’avoir une sevara derrière et une réponse à ces non-exhaustives objections).
    Il en demeure des conséquences nuisibles à foison.
  • Il existe autant de textes dans ‘Hazal (voire plus) qui servirait dans le sens inverse (les Richonim qui explique la Guémara dans Ketoubot et Nida concernant la femme enceinte qui utilise le Moh comme pour éviter d’avoir deux Vlad !
    Chose impossible et scientifiquement ridicule, La Guémara dans Souca à propos de Pi, etc…).
  • D’autre part, comme vous le dites si bien, le problème quand on affirme ce que vous dite, c’est que si on a un texte comme ça alors tout est faux (barbe, bikini Acapulco !!).Nos maîtres ont préféré dire Tsarikh Iyoun.

Je ne sais pas comment expliquer ce texte, mais en rien je ne remettrais ma foi sur le tapis.
La foi juive transcende tout, même l’incompréhension la plus totale, et l’impression de faux.
La Torah est vraie à 100% sans nul doute mais comme dit le Rambam l’esprit de l’homme est restreint et on ne peut pas jouer à ce jeu.
On ne doit pas chercher à authentifier.
C’est parce qu’on croit, qu’on cherche à comprendre.
On ne cherche pas à Prouver pour croire.

Avez-vous des sources de ce que vous avancez dans ‘Hazal ?

Je vous en supplie, ne prenez pas mal ce que j’écris et daignez me répondre.
Je vous ai écris il y a longtemps déjà, si vous voulez pas publier ma question c’est pas grave je m’en moque, ce que je veux c’est le Émet et votre vision qui je suis sûr m’enrichira, parce que vous œuvrez léchem Chamaïm et j’ai pas de doute dessus

Kol Touv.

Réponse du Rav Ron Chaya : 

Chalom David,

Comme je l’expliquais dans la conférence à dauphine et au début du cours « La preuve irréfutable« , la Torah dit :

« Vé-yadaata hayom véhachévota el lévavékha ki hachem hou haelokim« ,

tu sauras aujourd’hui, tu ramèneras à ton cœur que l’Éternel est le Tout Puissant.

Il y a deux étapes :

La connaissance
et
Le cœur.

Le cœur, c’est la foi.

  • Il est certain qu’il y a un travail de foi à faire, mais cette foi doit être dirigée par la connaissance.
    Il est très clair dans les sources des Richonim qu’il y a une nécessité d’authentifier et de prouver rationnellement la véracité de la Torah.

Tu me cites le début des hilkhot avodat kokhavim du Rambam.
Et bien justement là bas on voit que Avraham Avinou n’a pas cru, il n’a pas eu la émouna.
Je traduis les paroles de Rambam ad hoc :

  •  » Avraham (petit) se demandait comment il se faisait que le globe tourne en permanence.
    S’il n’y a pas de force qui le fasse tourner, il est impossible qu’il tourne par lui-même (…) jusqu’à ce qu’il acquière la voie de la vérité, et comprenne la voie juste par son INTELLECT et SACHE qu’il y avait une divinité unique qui dirigeait le globe et qui a tout créé « .

Un peu plus loin, il est mentionné:

  • « Vu que Avraham les a vaincus par ces PREUVES, le roi a voulu le tuer. »

Avraham Avinou a donc utilisé des preuves.
Toute sa recherche était intellectuelle. Il a su, et non cru.

A ce que je sache, nulle part dans le Rambam il n’est cité qu’il y a une mitsva de croire.

Maïmonide commence son livre (Michné Torah) en disant que la base des bases et le pilier des sagesses est de SAVOIR qu’il y a là bas une réalité première.

Suite à cela, il dit dans l’alinéa 6 :

 » La CONNAISSANCE de cette chose-là est une mitsva positive, comme il est dit (premier des 10 commandements):

‘Je suis l’Éternel ton D.’ « 

Dans l’alinéa 7, il amène LA PREUVE que D. est infini :

« Car Il fait tourner le globe de façon infinie ».

Toujours dans Yéssodé haTorah, chap.8, Maïmonide apporte de façon très claire la preuve que notre Torah est vraie et Moïse est un vrai prophète :

Le peuple entier a VU D. et n’a pas cru en D. suite aux miracles qu’a faits Moché,

car celui qui croit par les miracles a un sentiment équivoque.

En effet, il se peut que les miracles aient été réalisés par sorcellerie. Il fallait donc une PREUVE très claire :

le fait avoir VU D.

Maïmonide explique que c’est comme un témoignage.

  • Dans un témoignage, il ne s’agit pas de foi mais de faits avérés.
  • Quand il y a deux témoins, personne ne doit apporter de preuves à l’autre car les deux ont vu en même temps la même chose.

Il n’y a pas de mitsva de émouna dans les 613 mitsvot.

  • Même dans le Sefer ha-mitsvot de Rambam, où il fait le décompte des 613 mitsvot (traduit de l’arabe), le mot « émouna » est une erreur, comme l’a expliqué le Rav Kapa’h (grand traducteur de Rambam).
    C’est une traduction du mot « atakad » (en arabe) dont la traduction est plutôt « connaissance ».
  • De même, Rabbi Yehouda Halévi, dans le Kouzari, a longuement essayé de prouver l’authenticité de la Torah.
  • Idem pour le Rav Saadia Gaon (premiers chapitres de « Emounot védéot« ).

Nous devons aller dans la direction de ces géants.

En quoi consiste la émouna ?

  • Une fois que nous savons qu’une chose est vraie, il y a tout un travail de ramener au cœur (« hachava el halèv« ).
    C’est comme quelqu’un qui sait qu’il est nocif de fumer mais continue à fumer.
    Pour que ce qu’il sait devienne une partie intégrante de lui-même dans son quotidien, le travail qu’il doit effectuer est un travail de émouna.
  • Chacun de nous sait que D. existe, mais lorsque un malheur nous arrive, là nous voyons notre degré de émouna, à quel point cette connaissance que nous avons se réalise dans le vécu, et très souvent il s’avère que bien que nous sachions que tout ce que D. fait est pour le bien, nous n’arrivons pas à vivre vraiment en fonction de cette connaissance, et en cela devient nécessaire le travail de émouna.
  • Le Rav de Brisk, ayant vécu la présence de D. de façon très puissante, a dit qu’il avait perdu la mitsva de émouna, car il n’avait plus d’efforts à faire dans ce sens.

Pour ma part, je m’adresse à un public qui n’a pas encore la connaissance, alors comment leur faire connaître D. si ce n’est par l’intellect ?
D’ailleurs, je ne saurai trop de conseiller la lecture de la seule ‘annotation’ du « Guide des égarés », dans le chap.51 du tome 3.

Je cite:

  •  » Nous t’avons déjà exposé que cet intellect qui s’épanche sur nous de la part de D. est le lien qui existe entre nous et Lui.
    Il dépend de toi soit de fortifier et consolider ce lien, soit de l’affaiblir et le relâcher petit à petit jusqu’à le défaire ».

Il ne parle pas de foi mais bien d’intellect, le « sékhel » en hébreu.

De même, à la fin des hilkhot téchouva, Maïmonide dit :

  • « On ne peut aimer D. que par la connaissance qu’on a de Lui.
    L’amour sera fonction de la connaissance.
  • Peu de connaissance donnera peu d’amour, et beaucoup de connaissance donnera beaucoup d’amour.
    C’est pour cela que l’homme doit comprendre et intellectualiser les sagesses et les informations qui lui font connaître son D. »

De nouveau, Maïmonide ne parle pas de émouna mais bien de connaissance et d’intellect.

Je pourrais encore t’amener beaucoup de preuves, mais je pense que cela est suffisant.
Quand je dis que ne suis pas un croyant ou qu’il est absurde de croire, je dis qu’il est absurde de croire sans que la croyance soit basée sur la connaissance.
Mais évidemment, comme je le dis très clairement, une fois que la connaissance est là il y aussi ce travail de croyance dont j’ai parlé plus haut.

Il se peut qu’il y ait des courants dans le judaïsme, comme la ‘hassidout, qui ne parlent que de ‘émouna pechouta’ (foi simple), mais comment pouvons-nous amener quelqu’un à la foi s’il ne l’a pas à la base, si ce n’est par le biais de la raison ?

De plus, qui avons-nous de plus grands que Rambam, Rav Saadia Gaon, Rabbi Yehouda Halévi, et tant d’autres qui ont opté très clairement pour la voie de la raison ?!

J’espère avoir été clair, j’attends ta réponse.

Amicalement,
Rav Ron Chaya

Référence Leava : 2918
Date de création : 2008-05-20 02:05:43