Quel est le pouvoir d’un chalia’h mitsva ? Quel est le sens de hatarat nédarim ? Peut-on retirer l’huile d’une boite de thon Chabbat ?

 

Bonjour Rav Chaya,

J’ai plusieurs questions :

  1. Ma première question concerne le chalia’h mitsva :
    Le pouvoir de déléguer une mitsva est-il total ?Je m’explique.
    Si par exemple, je dis à mon ami d’aller mettre une certaine somme à la tsedaka : il est donc mon chalia’h pour cette mitsva.
    S’il oubli de l’accomplir, qu’en est-il ?
    Est-ce moi ou lui qui ait transgressé mon vœu de tsedaka ?Ainsi, faut-il s’enlever toute responsabilité concernant une mitsva dès qu’on la délègue ou bien doit-on s’assurer que celle-ci ait été convenablement accomplie ?
    Le problème se pose par exemple lorsqu’on donne une pièce à quelqu’un qui part en voyage pour qu’il la mette à la tsedaka, ce-dernier pouvant facilement oublier.
  2. Lorsqu’on désigne une pièce ou un billet pour le donner à la tsedaka, doit-on donner sa valeur ou c’est le billet désigné qui doit être donné ?Ainsi, si ce n’est pas la pièce désignée qui doit être donnée mais sa valeur, pour ma première question, on pourrait penser que même si le chalia’h oublie de donner la tsedaka, il en donnera sûrement pour une autre occasion plus tard et remplira ainsi l’obligation de celui qui l’envoie (en supposant que le destinataire de cette tsedaka n’ait pas été précisé).
    A moins qu’il faille aussi avoir l’intention de remplir sa chli’hout au moment où l’on donne.
  3. Quel est le pouvoir de la Hatarat Nedarim de la veille de Rosh Hashanna et de la veille Yom Kippur ?Les études de Torah fixées pendant l’année, les lectures de Téhilim quotidiennes, dons de tsedaka, ‘houmerot prises au cours de l’année, sont-ils annulés ?Dans le même contexte, est-ce un vœu de se fixer un horaire pour l’étude de la Torah ou bien c’est le temps passé à étudier qui peut faire l’objet d’un vœu et l’horaire n’aurait donc pas d’importance ?
    • De plus, étant donné que c’est une mitsva d’étudier et même une obligation, un vœu à propos de cette mitsva n’aurait pas lieu d’être.
  4. Quand est-ce qu’une action répétée trois fois se transforme en vœu ?
    Est-ce uniquement à propos d’une ‘houmra et autre action de zèle?
  5. Le Chabbat, peut-on retirer l’huile contenue dans une boîte de thon pour la jeter ou bien cela s’appelle « trier/borer » ?
    • J’ai entendu dire que certains permettaient.
    • De même, si l’on fait tremper des fruits dans un récipient d’eau pour les laver, peut-on enlever l’eau pour ensuite prendre les fruits ?

En vous remerciant vivement par avance et pour tout le travail que vous effectuez.
Chabbat Chalom,
Emmanuel

 

Réponse du Rav Ron Chaya :

Chalom Emmanuel,

Voici les réponses à tes questions :

  1. Le pouvoir de déléguer une mitsva à un chalia’h mitsva n’est pas total.
    • Si, par exemple, tu lui as donné une certaine somme d’argent pour qu’il la remette à la tsédaka et qu’il ne l’a pas fait, si tu en es au courant, tu es obligé de donner cette somme à la tsédaka.
    • Si, par contre, tu n’es pas au courant, tu peux compter sur la ‘hazaka (la présomption) comme quoi le chalia’h mitsva réalise sa mission.
  2. Ce n’est pas la pièce désignée qui doit être donnée, mais sa valeur.
    • (Dérekh Emouna, chapitre 10, fin de l’alinéa 40)
  3. Lors de la hatarat nédarim que nous nous faisons la veille de Roch Hachana ou la veille de Kippour, ou pendant le Kol Nidré, on fait en fait deux choses différentes :
    • On autorise les nédarim passés, et cela ne sera valable que pour les nédarim qu’on a oubliés.
    • Pour ceux dont on se souvient, il sera nécessaire de faire une vraie hatarat nédarim devant 3 personnes où on expliquera pourquoi on a fait le neder et ils trouveront un péta’h afin que la personne qui veux annuler son vœux puisse faire une ‘harata.
      • Pendant cette hatarat nédarim que nous faisons la veille de Roch Hachana et Kippour et pendant le Kol Nidré, on fait une méssirat modaa, c’est-à-dire une annonce comme quoi nous annulons tous les nédarim que nous ferons l’année prochaine.
    • Cette annulation des nédarim futurs n’est valable :
      • Pour les ashkénazim :
        • Que si pendant qu’on a fait le neder pendant l’année, on a oublié l’annonce d’annulation de vœux qu’on a fait en début d’année (les veilles de Roch Hachana et Kippour et pendant Kol Nidré), mais si pendant qu’on a fait le neder pendant l’année, on se souvient de cette annonce, le fait que nous fassions malgré tout ce neder montre clairement que bien qu’il y ait eu l’annonce en début d’année, nous ne la prenons pas en considération, et donc le neder est valable.
      • Pour les séfaradim (voir Choul’han Aroukh, Yoré Déa, chapitre 211, alinéa 2) :
        • Il faudra non seulement que pendant qu’on fait le neder durant l’année, on ait oublié l’annonce que l’on a faite en début d’année, mais il faudra aussi que « tokh kédé dibour », c’est-à-dire avant que ne passe le temps de prononcer la phrase « Chalom Alékha Rabbi » (soit 7 syllabes) après qu’on ait fini de prononcer le vœu, qu’on se souvienne de l’annonce qu’on a faite en début d’année.
          • Ainsi ce souvenir qui a lieu immédiatement après le vœu a la faculté d’annuler le vœu, sinon le vœu n’est pas annulé et reste valable.
          • Toutefois, les décisionnaires écrivent qu’on ne comptera sur l’annonce d’annulation de vœux du début d’année qu’en cas de force majeure.Mais si ce n’est pas le cas, on ira voir 3 personnes qui nous autoriseront le vœu avec péta’h et ‘harata.
        • Tout cela ne concerne que les vrais vœux, c’est-à-dire les cas où on a employé les mots vœu, neder, les cas où on a juré, ou s’il s’agit de tsédaka quand on a pensé de façon claire qu’on donnerait la tsédaka, et à plus forte raison si on l’a dit, sans dire « bli neder », ou qu’on ait dit qu’on ferait une mitsva facultative sans dire bli néder.
    • Par contre, en ce qui concerne les coutumes de faire certaines mitsvot, ou ‘houmrot qui reçoivent le statut de « neder dérabanan », on pourra alléger la loi à 2 niveaux [la coutume ou la ‘houmra obtiennent un statut de neder (dérabanan) de deux façons :
      • Ou qu’on ait fait 3 fois de suite cette coutume ou cette ‘houmra sans dire qu’on la faisait « bli neder »
      • Ou qu’on l’a fait ne serait-ce qu’une seule fois en pensant qu’on la ferait pour toujours et qu’on n’ait pas dit « bli neder »] :
        1. L’annonce de l’annulation des vœux faite en début d’année sera valable même pour les séfaradim si, lorsqu’on a pris cette coutume sur nous, ou qu’on l’a pratiquée 3 fois de suite sans dire bli neder, on avait oublié l’annulation des vœux faite en début d’année (bien qu’on ne s’en soit pas souvenu tokh kédé dibour comme susmentionné en ce qui concerne les vrais nédarim pour les séfaradim).
        2. On pourra dans tous les cas compter sur cette annulation de vœux, et pas seulement en cas de force majeure comme susmentionné dans les cas de vrais nédarim
          • (Yabia Omer, volume 2 ;
          • Ora’h ‘Haïm fin chapitre 30, comme quoi on peut compter dans ces nédarim dérabanan sur l’avis de Maran lui-même dans Avkat Rokhel qui y a tranché différemment de ce qu’il avait tranché dans le Choul’han Aroukh susmentionné).
  4. Une action répétée 3 fois se transforme en vœu si on n’a pas dit bli neder uniquement s’il s’agit d’une ‘houmra, d’une action de zèle, de ‘hessed ou de mitsva.
  5. Il n’y a un interdit de borère (de tri) que si on a deux espèces de choses différentes qui sont mélangées ensemble.
    • C’est pour cela que les décisionnaires ont écrit que si on a plusieurs œufs qui sont dans de l’eau, il n’y a pas d’interdit de tri en les sortant de l’eau car on ne considère pas qu’ils sont « mélangés » à l’eau du fait qu’ils sont grands et reconnaissables.
    • Par contre, s’il s’agit de choses plus petites, il faudra trancher si on considère qu’ils sont « mélangés » à l’eau ou pas.
      • Si on a, par exemple, quelques olives dans un liquide, on pourra les prendre, il n’y a pas en cela de tri ;
        • mais si on en a beaucoup qui trempent dans ce liquide, on considèrera qu’elles sont « mélangées » au liquide, et dans cette mesure, il sera interdit de les prendre pour les manger plus tard, ou d’en faire couler le liquide que nous ne désirons pas.
      • Ainsi de même, on interdira le tri du liquide de boîtes de conserve contenant des petits-poix, du maïs, des petites carottes, des sardines, du thon, etc.
    • Un pot de yogourt contenant un peu de petit-lait :
        • Si le yogourt est à l’état solide, on pourra en faire couler le petit-lait ;
        • S’il n’est pas à l’état solide mais crémeux, on ne pourra pas en faire couler le petit-lait.
    • Un moustique qui est tombé dans un liquide :
      • Il y a une grande ma’hloket A’haronim s’il y a un problème de borère à le retirer du liquide, c’est pour cela qu’on le retirera du liquide au moyen d’une cuillère dans laquelle il y aura et du liquide, et le moustique.
      • Tout cela n’est valable que s’il n’y a qu’un seul moustique, mais s’il y a plusieurs moustiques dans le liquide, on considère que le fait de les enlever, bien qu’on les enlève au moyen d’une cuillère avec un peu de liquide, constitue néanmoins un interdit de tri (Chémirat Chabbat kéhilkhéta, chapitre 3, note 39).
    • Si on a un plat avec des morceaux de poisson ou de poulet dans de la sauce :
      • S’il y a plusieurs morceaux serrés les uns contre les autres, on considèrera qu’ils sont mélangés avec la sauce et dans cette mesure il y a un problème de tri si on les prend pour ne pas les manger immédiatement, ou si on veut en retirer la sauce qu’on ne désire pas manger.
      • Par contre, si les morceaux ne sont pas serrés ensembles, et que la sauce est liquide, on ne considère pas qu’ils sont mélangés à la sauce et on pourra les trier.
      • Si, par contre, la sauce est épaisse, on prendra le morceau dans une cuillère avec de la sauce afin qu’on ne considère pas qu’on a fait le tri du morceau en le séparant de la sauce.
    • En ce qui concerne le fait de tremper des fruits dans un récipient d’eau pour les laver :
      • S’il s’agit de gros fruits, leur cas sera semblable à celui des œufs qu’on ne considère pas comme mélangés avec l’eau et on pourra donc en faire couler l’eau pour en prendre ensuite les fruits.
      • Par contre, s’ils sont plus petits, le problème se posera, à moins qu’ils soient peu en nombre et éparpillés dans l’eau.
        • Par contre, il y a un problème de borère qui peut se poser dans le fait de poser les fruits dans l’eau pour les laver.
          • Effectivement, il faut bien faire la nuance entre utiliser l’eau pour nettoyer les fruits ou pour en faire le tri des saletés mélangées aux fruits.
            • Il sera par exemple interdit de tremper une grappe de raisins dans un récipient d’eau pour en séparer toutes les saletés se trouvant entre chaque grain de raisin ;
            • Idem si on le fait sous le robinet.
            • Idem pour d’autres fruits tels que des fraises, ou des raisins secs dont on veut séparer les morceaux de terre, branches, ou autres choses indésirables.
              • Vu que le tri se fait par l’eau, il s’agit d’une interdiction de borère.
          • Par contre, si on utilise l’eau uniquement pour nettoyer le fruit, et non pour en trier les saletés mélangées, alors cela est permis au même titre qu’on autorisera de nettoyer une assiette.
            • Et bien que l’eau nous aide à enlever la saleté du fruit, on ne considère pas cela comme une action de tri mais tout simplement comme du nettoyage.
      • Par contre dans les cas interdits susmentionnés, il ne s’agit pas que d’une action de nettoyage, mais aussi d’une action de tri (sur les bases du livre Or’hot Chabbat).
    • J’espère que j’ai été clair ; si ce n’est pas le cas, n’hésite pas à me réécrire.

Au revoir,
Rav Ron Chaya

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Référence : 9881
Date question sur Leava : 2010-07-07 18:07:03