Bonsoir Rav,
J’aimerais avoir votre avis sur différentes questions :
- Que pensez-vous de la loi sur les conversions récemment votée ?
J’ai entendu que c’était une mauvaise chose, que de tout temps, des Rabbanim ont converti de façon privée de sorte à « décentraliser » le pouvoir, le rendant ainsi plus efficace. J’entends même dire ici et là que le judaïsme séfarade s’est fait « gangréné » par le judaïsme lithuanien du point de vue des conversions…Que par exemple, Rav Ovadia Yossef Zatsal était pour les conversions privées pour éviter tous les problèmes liés à l’assimilation et mariages mixtes… Je ne sais plus trop quoi en penser à dire vrai. Est-ce vrai que Rav Ovadia Yossef Zatsal a dit ceci ? - Une deuxième question qui me taraude encore plus concerne les « moderne orthodoxes ».
Je n’arrive pas à savoir si ce mouvement est tamé ou non.Exemple sur leur blog il y a un billet dont je vous cite un extrait :« Ô combien il est étonnant de constater à quel point le monde religieux s’est éloigné du message pourtant clair de la Torah.
Je fais allusion au 13e chapitre du Deutéronome, que je vous invite à lire entièrement en hébreu ou français.De quoi s’agit-il ?
D’un prophète faiseur de miracles.
Pour l’époque biblique, cela équivaut largement à ce que nous nommerions aujourd’hui un “Grand de la génération” (gadol), mais avec les miracles en plus.
Et voilà que ce prophète, qui aurait prouvé sa prophétie en faisant un miracle explicite, appelle les gens à transgresser un interdit de la Torah.
Évidement, il n’est pas fou et on suppose qu’il ne lance pas cet appel sans une large justification religieuse.
Pourrait-on reprocher au fidèle, simple mortel, de croire le saint prophète faiseur de miracles ?
Oui, répond la Torah.
Oui, car chaque juif et juive est doté de sa propre intelligence et de ses propres capacités de discernement.
Il ne peut pas se cacher derrière la figure du prophète pour justifier un interdit.D’aucun objecteront que la Torah elle-même nous appelle à écouter fidèlement les sages, sans mettre en doute leurs paroles.
Je fais allusion à l’interprétation donnée par Rashi sur le verset :
“ Selon la doctrine qu’ils t’enseigneront, selon la règle qu’ils t’indiqueront, tu procéderas; ne t’écarte de ce qu’ils t’auront dit ni à droite ni à gauche”, ce à quoi Rashi commente :
“A droite ni à gauche – Même s’il te présente la droite comme étant la gauche et la gauche comme étant la droite, et à plus forte raison s’il te dit de la droite qu’elle est la droite et de la gauche qu’elle est la gauche.”.J’aurais beaucoup à dire sur cette interprétation.
Contentons nous de dire que le Talmud de Jérusalem donne une lecture strictement contraire à celle de Rashi, que le Gaon de Vilna corrige la version du Midrash ayant apparemment inspiré Rashi et que la plupart des exégètes considèrent que dans tous les cas, ce verset ne parle que du grand Sanhedrin de Jérusalem.Mais même pour ceux adhérant à la vision extrême, il est clair que cette confiance presque-absolue s’arrête dès qu’un interdit est enfreint.
Rashi lui même ne pourrait contredire le Talmud qui nous rappelle constamment que “entre les paroles du maître et de son élève, qui écoute t-on ?”6, formule poétique pour nous rappeler qu’avant de craindre les sages, nous devons surtout craindre Dieu. »
Ce qu’ils écrivent va clairement à l’encontre de vos cours « la base des bases« …
Il est écrit dans Devarim que l’on doit suivre les grands juges, mais s’agit-il comme ils le prétendent uniquement du Grand Sanhedrin ?
Merci de m’éclairer surtout pour la deuxième question svp c’est d’une importance capitale.
Je vous souhaite un excellent Chabbat !
Réponse du Rav Ron Chaya :
Chalom,
Voici les réponses à tes questions :
- Il est extrêmement bénéfique que les conversions soient centralisées par des rabbins orthodoxes afin d’éviter des conversions non valables telles que celles faites par les réformistes, les libéraux ou encore d’autres faites à la va-vite à l’armée israélienne ou par certains rabbins du parti nationaliste religieux (pas tous).
D’ailleurs, ce sont le fils de Rav Ovadia Yossef Zatsal et Rav Arié Derhy qui sont à la source de ce désir de centralisation ; il n’y a donc aucune gangrène du judaïsme lituanien, au contraire, un désir honnête de sauvegarder la pureté du peuple juif. - À propos du mouvement moderne orthodoxe, je ne dirai qu’une chose :
Faux ! Faux ! Faux !
et encore plus…
L’argumentaire que tu m’as envoyé est fallacieux, car bien qu’il y ait effectivement une divergence d’opinion à savoir si les juges dont parle le chapitre 17 du Deutéronome sont ceux du Sanhédrin ou ceux de chaque génération, néanmoins, tous les rabbins de tous les temps comprennent tout-à-fait qu’il y a une obligation sacrée d’écouter les grands de chaque génération.
Par cela, réalise-t-on l’ordonnance figurant dans Deutéronome 17 ?
En cela est leur divergence d’opinion.
Mais indépendamment de Devarim 17, l’obligation d’écouter les grands d’Israël existe à toute époque bien que d’après certains avis, elle ne soit pas clairement enjointe dans la Torah.
Le Sefer Ha’hinoukh écrit clairement qu’en cela consiste la base sur laquelle tout repose.
Et cela tombe sous le sens :
Si nous n’écoutons plus les grands de Torah, qui écouterons-nous ?
Toute personne qui n’a pas étudié un minimum peut venir et proposer un nouveau sens de la Torah !
(
- (Comme par exemple ces citations du blog M.O. (Modern Orthodox) :
« Nous choisissons donc, en résumé, de voir le début de la Genèse comme un texte ne décrivant pas des événements historiques réels mais transmettant des messages dont l’impact révolutionnaire se comprend essentiellement par effet de contraste avec les croyances usuelles pour l’époque. » - Ou encore :
Mes thèses seront les suivantes :
a) la survenue d’un antique Déluge mondial est une totale impossibilité scientifique ;
b) dans une nécessaire relecture non-littérale du texte de la Torah, le récit du Déluge est perçu, en le lisant au regard de la mythologie mésopotamienne, comme marquant une profonde rupture morale par rapport aux cultures de l’époque.
)
Plus personne n’a tort, tout le monde a raison et dès lors, on accepte comme étant vrais autant la Chrétienté que chaque mouvement qui prétend réaliser ce qui est écrit dans la Torah.
Plus personne ne peut prouver qu’ils ont tort sachant qu’aucune raison ne me dit que j’ai plus raison que lui.
Même un grand de Torah, parfait connaisseur, et détenteur du roua’h hakodèch, n’est plus quelqu’un qui doit être suivi.
D’après leur avis fallacieux, le plus grand ignare peut avoir raison aussi car la Torah selon eux ne nous enjoint pas d’écouter les grands.
Cela est ridicule.
La raison profonde motivant cet argumentaire est le refus inhérent aux motivations de ce mouvement d’écouter les grands de Torah ; son but est d’alléger la Torah, de ne pas la respecter telle qu’elle doit l’être, à l’image des libéraux et des réformistes.
Pour légitimer cela, on se retrouve à dire qu’il n’y a pas d’obligation d’écouter les grands de Torah sans quoi ce mouvement est désigné comme faux et dangereux.
Mais nous qui comprenons que l’ordonnance d’écouter les grands est bel et bien écrite d’après beaucoup d’avis dans la Torah, et d’après d’autres dans les possekim (décisionnaires), et de plus, d’après la logique la plus simple, cette ordonnance est absolument nécessaire ; voyons à quel point ce mouvement est faux ! faux ! faux !
D.ieu nous en préserve !
Voir également cette réponse où j’explique plus dans le détails le caractère fallacieux de leur « argumentation ».
Au revoir,
Rav Ron Chaya
Référence Leava : 76821
Date de création : 2017-07-06 23:07:25