Laisser faire les sphères ou contrecarrer les carrées ?

Chèr Rav,
Tout d’abord, je tiens à vous à remercier pour le site que vous avez créé et qui nous permet de profiter de vos réflexions.

J’ai suivi avec beaucoup d’intérêt le chiour intitulé : « si D. sait tout alors où est mon libre arbitre ? » ; je conçois parfaitement la vision que vous soutenais selon laquelle il existe pour chaque juif deux sphères d’actions potentielles :

  • Une sphère d’action dont seule l’homme est maître et qui concerne tous les choix d’actions ayant un rapport avec la crainte divine,
    toutes les actions qui confèrent à l’homme une réelle liberté, un réel choix.

    J’appellerai cette sphère « actions libres ».

  • Celle dont l’homme n’est pas maître,
    pour laquelle l’homme est prédestiné, avec un scénario déjà connu et que l’homme ne peut pas changer.

    Cette catégorie étant résiduelle, on y trouve toutes les actions potentielles qui s’offrent à l’homme mais qui n’ont pas de rapport avec la crainte divine, les actions où, comme vous dites, l’homme « doit jouer la comédie ».

    J’appellerai cette sphère « actions prédestinées ».

Cette vision permettrait d’expliquer qu’il n’y a pas de MAZAL pour les bneis Israël au sens où chaque juif a le choix d’effectuer ou pas une mitsva mais qu’il existe une prédestination quant à la parnassa, la durée de la vie et la possibilité d’avoir des enfants.
Cependant, cette vision rend difficilement compréhensible plusieurs points et soulève donc plusieurs questions :

  1. Comment expliquez alors que l’on voit dans la Torah que la récompense d’une mitsva, donc la récompense d’une action relevant de la sphère « actions prédestinées », a une répercussion sur la sphère des « actions prédestinées » ?

    Je pense notamment à la mitsva d’honorer ses parents (actions appartenant à la sphère « actions libres ») qui en cas d’exécutions permettrait de rallonger notre vie sur Terre (sphère « actions prédestinée »).
    Ceci reviendrait indirectement à dire que chaque juif peut influencer sa prédestination par le biais des mitsvot donc il n’y aurait pas de réelle prédestination.

  2. Nos prières destinées à changer notre situation (parnassa, durée de la vie, possibilité d’or des enfants) n’auraient selon cette théorie aucun effet ?
  3. Le bien-être apporté par l’accomplissement d’une mitsva nous amène à faire d’autres choix sur des actions qui entrent dans la sphère « actions prédestinée ».

    En effet, le fait d’être plus épanoui, grâce aux mitsvot, a des répercussions sur notre activité professionnelle qui elle relève de la sphère des « actions prédestinées ».
    Ceci implique qu’il existe des interactions entre les deux sphères, ce qui vient donc contredire l’idée de prédestination.

  4. S’il existe une prédestination, que par définition l’homme n’a pas choisie et que l’homme ne peut changer, pourquoi alors D… a-t-Il prédestinée tel juif à avoir une bonne parnassa, une vie longue et beaucoup d’enfants et tel autre juif à avoir une situation financière difficile, une vie courte et pas d’enfants ?

Merci pour votre attention et pour les éléments de réponse que vous voudriez bien apporter.
que D… vous bénisse.

 

Réponse du Rav Ron Chaya : 

Cher Yohan,
Cela fait longtemps que j’ai fait le cours Si D sait tout alors où est mon libre arbitre ? et je pensais avoir expliqué les choses clairement.
Comme je vois que tout n’est pas clair, je veux bien y revenir.

  • Notre seule façon de changer notre prédestinée provient des actions de la sphère que tu appelles actions libres.
    Nous n’avons aucun pouvoir direct sur notre prédestinée lorsque nous agissons dans la sphère actions prédestinées.
  • Néanmoins, comme tu l’as très bien dit, et je pense l’avoir dit pendant le cours, il est certain que lorsque je fais des choix dans la sphère actions libres, cela a des répercussions dans la sphère actions prédestinées.

Je donne d’habitude l’exemple suivant :

  • Imaginons la carte d’une ville où il y a des intersections.
  • J’arrive à l’une d’elles, et un choix se présente.
  • Si je choisis d’aller à droite, alors je m’engage dans la voie qui est déjà prédestinée depuis Béréchit et qui mène à un certain quartier de la ville. Je n’ai aucun moyen de changer cette prédestination vu qu’il s’agit d’une voie tracée depuis Béréchit.
  • Néanmoins, il est certain que le choix d’aller à droite et non à gauche a fait que le décor, les conditions et la route des actions prédestinées ont changé.

Par l’action, par exemple, de faire Chabbat, quelqu’un pourrait ne pas tomber malade, alors qu’il connaîtrait la maladie s’il le transgressait.

  • Nous n’avons pas le choix de tomber malade ou pas, cela fait partie des actions prédestinées, mais par les choix que je fais dans la sphère actions libres, il y a une influence exercée sur la sphère des actions prédestinées.

Ceci dit, l’argument n°1 que tu avances sur la relation entre le respect des parents et l’allongement de la vie, la Guémara de Kiddouchin est très claire là dessus :

  • Il ne s’agit pas de la vie ici bas, mais la vie éternelle.

Et pour répondre à la question 4 :

  • Chaque juif a une âme différente, provenant d’un endroit différent du « corps » des âmes du premier homme,
    et en fonction de son âme il a une prédestination différente qui lui permettra de se réaliser, différemment des autres.

J’espère avoir été clair.

Au revoir,
Rav Ron Chaya

 

Référence Leava : 296
Date de création : 2006-04-04 13:04:46