Quelle est la nuance entre les 10 différentes sortes de joies ?

Bonsoir rav,

J’aimerais comprendre la nuance entre les différentes sortes de joies : guila, Rina…etc.

En vous remerciant d’avance.

 

Réponse du Rav Ron Chaya :

Chalom Esther,

Il est marqué dans Avot dérabbi Nathan, chapitre 34, qu’il y a dix mots pour exprimer la joie :

  • sassone,

  • sim’ha,

  • guila,

  • rina,

  • ditsa,

  • tsahala,

  • aliza,

  • hédva,

  • tiféret,

  • alitsa.

Je vais tenter d’expliquer les nuances qu’il y a entre les dix.

Le Gaon de Vilna, dans son commentaire sur Méguilat Esther, sur le verset (Esther 8, 16) :

« layéhoudim hayta ora véssim’ha véssassone vikar »,

explique que la sim’ha c’est la joie qu’on éprouve lorsqu’on va à la recherche d’une chose qui nous procurera du plaisir.

Sassone est la joie qu’on éprouve lorsqu’on a obtenu cet objet.

Ainsi, dans la prière « kel Adone », qu’on dit à cha’harit Chabbat « sémé’him bétsétam véssassim bévoam », c’est-à-dire « heureux en sortant, heureux en rentrant », que les astres sont sémé’him au début de leur course car ils sont en phase de réaliser le désir d’Hachem, et en fin de course ils sont sassim car ils viennent de réaliser le désir d’Hachem.
De plus, dans son commentaire « ‘Hémda Gnouza » sur Michlé, dans l’introduction, le Gaon écrit que sassone est la joie qu’on éprouve lorsqu’on obtient quelque chose, et cette joie pénètre l’intérieur de la personne, alors que la sim’ha est la joie qu’on montre à l’extérieur et par son corps, lorsqu’on jouit de la chose, et on annonce à son néfech, c’est-à-dire son âme, la grandeur et l’utilité de la chose dont on est heureux.

Je pense que cette dernière explication plus profonde du Gaon diverge de l’explication du Malbim qui, dans son commentaire sur le verset 1, du chapitre 35 de Yéchayaou, explique que sassone est une joie exprimée vers l’extérieur, et bien qu’une personne puisse mettre des signes de joie extérieurs, tels que des habits de yom tov et chanter, il peut à l’intérieur être extrêmement triste.

Par contre, la sim’ha et la guila sont des termes de joie intérieure, exprimant la joie du cœur qu’une personne peut avoir, bien qu’à l’extérieur elle peut porter des habits de deuil.
Il explique dans ce même commentaire que la guila est une joie produite par une bonne annonce soudaine, contrairement à la sim’ha qui exprime une joie continue et habituelle.

Cette différence que mentionne le Malbim entre la sim’ha et la guila n’est pas la même que mentionne le Gaon de Vilna sur le verset (Michlé 23, 24) « guil yahuil avi tsadik véyolèd ‘hakham yssma’h bo » « le père d’un juste est au comble de la joie, celui qui a donné naissance a un sage est heureux ».

Le Gaon explique que le terme guila exprime une joie cyclique, provenant de choses qu’on fait de façon habituelle, car effectivement le tsadik est celui qui pratique toutes les lois de la Torah, or les lois de la Torah sont d’habitude cycliques, les prières quotidiennes, le Chabbat, les fêtes annuelles, reviennent de façon cyclique.
C’est pour cela que nous trouvons aussi la notion de guila pour les choses qu’il y a dans ce monde, car dans ce monde tout fonctionne d’après des cycles.
Ainsi, le verset dira « yismé’hou hachamayim vétaguél ha’arets » « les cieux seront en joie (yismé’hou-sim’ha) et la terre sera en joie (tagél-guila). »

Par contre, la sim’ha est une joie due à une nouveauté.
Ainsi, celui qui mettra au monde un sage éprouvera une joie de sim’ha, car un sage innove toujours des nouvelles choses dans la Torah, comme il est écrit « éne beth midrach bli ‘hidouch » « il n’y a pas de maison d’étude sans innovation. »
C’est pour cela que le ciel sera en sim’ha « yismé’hou hachamayim », car le ciel exprime les choses spirituelles dans lesquelles il y a toujours de l’innovation.

A propos de alitsa, le Malbim explique dans le verset de Chmouel I 2, 1, lorsque ‘Hanna dit « alats libi » « mon cœur était en joie », qu’il s’agit d’une joie provenant de choses spirituelles, qui réalise la vraie essence de l’être, et non une joie provenant des pulsions animales qui le font sortir de sa condition humaine pour une condition animale, habillée d’imaginaire.

Rina signifie « chant », ce sera donc la joie aboutissant à un chant de louanges à Hachem.

Tsahala, comme l’explique le Métsoudat Tsion sur Yéchayaou, chap. 24, verset 14, définit une expression de joie brûlante, des cris de joie.

Aliza est, comme l’explique le Malbim sur Choumel II 1, 20, le terme exprimant une joie amenant la personne à danser de joie.
On retrouvera cette définition dans le commentaire du Malbim sur ‘Habakouk 3, 18 et Michlé 23, 16.

La ‘hédva, comme l’explique le Malbim sur Chémot 18, 9, « vayi’had Yitro » « Yitro fut en joie », définit une joie confrontée à une tristesse, lorsque la joie vainc cette tristesse, on l’appellera ‘hédva.
Dans le cas de Yitro, il était d’un côté triste que les égyptiens soient morts engloutis dans la mer, mais d’un autre côté la joie des miracles qu’a faits Hachem pour Israël a vaincu cette tristesse.
On retrouvera aussi ce principe dans Né’hémia chap. 8, versets 9 et 10, Né’hémia dit au peuple « Ce jour est consacré à l’Éternel votre D.ieu, ne manifestez pas de deuil et n’y pleurez point », car tout le peuple pleurait en entendant les paroles de la Torah.

Il ajouta :
« Allez manger des mets succulents, buvez des breuvages doux et envoyez des portions à ceux qui n’ont rien d’apprêté, car ce jour est consacré à notre Seigneur.
Ne vous attristez donc pas, car la joie en l’Éternel est votre force. »
Le mot « joie » utilisé dans ce verset est le mot « ‘hédva », il exprime la joie qui a vaincu la tristesse.

La tiférét, comme l’explique le Malbim dans Chemot 28, 2, à propos des habits du Cohen Gadol, est l’habit spirituel qui recouvre l’âme lorsqu’elle a accédé à un degré supplémentaire grâce à ses choix positifs.
Il s’agira d’une joie due à une splendeur (tiférét signifie splendeur) intérieure qui nous habille.

Le mot ditsa n’apparait qu’une seule fois dans toute la Bible, conjugué au futur de la troisième personne du singulier féminin, dans Iyov 41, 14, « Devant Lui (devant Hachem), la tristesse sera en joie. »
La ditsa est donc la joie opposée à la tristesse.

Au revoir,
Rav Ron Chaya

 

Référence : 15127
Date question sur Leava : 2011-10-29 20:10:18