Chalom Rav,
Je suis vraiment désolée de vous déranger à nouveau avec ma famille en pleine effervescence et ma Téchouva, j’espère vraiment ne pas prendre trop de votre temps pour étudier la Torah.
C’est toujours au sujet de la conversion de ma mère, de Chabbat et Pessa’h.
Le dernier Chabbat de Pessa’h, j’ai fait quelque chose sans savoir si cela était permis, et j’aimerais savoir pour l’année prochaine.
Comme hier, le premier mai, c’était la fête de Pâques des chrétiens, je savais que la conversion au christianisme de ma mère aurait lieu ce jour-là. Pour essayer de la sensibiliser, j’ai demandé à ma grand-mère de m’envoyer des photos des lettres de sa mère, et j’ai demandé à une juive non religieuse de mon université de bien vouloir me les traduire du yiddish et de l’allemand, ce qu’elle a fait.
Cependant, le samedi, veille du baptême de ma mère, j’ai lu les lettres à ma mère. Je ne sais pas si c’est considéré comme un travail pour moi de les lire, pour ma mère de les écouter, ou pour la fille de les traduire pendant la semaine de Pessa’h, et je suis très embêtée maintenant.
J’ai pensé, probablement à tort, que lire les paroles de sa grand-mère toucheraient ma mère.
Cela a d’ailleurs été le cas car elle a pleuré durant une journée entière sans s’arrêter. Mon arrière-grand-mère avait écrit des lettres à son mari depuis l’Allemagne (son mari était en Espagne à ce moment-là).
Ma grand-mère n’avait jamais réussi à trouver des personnes pour les lui traduire à bas prix en Espagne, et j’ai décidé de m’en charger pour elle.
Elle lui racontait l’Allemagne nazie, la naissance de ma grand-mère, et les galères du quotidien dues à sa précarité. Par exemple, elle raconte que durant un Chabbat, elle n’avait qu’un pain pour tous les repas, le manque de lait pour nourrir sa fille, ou encore les problèmes de pudeur avec des habits élimés et des travaux de nettoyage.
Elle raconte qu’elle avait trouvé une tomate et l’avait partagée avec 8 personnes dans la rue. Elle décrit aussi sa joie lorsqu’une Mitsva a pu être réalisée malgré un manque de moyen, et remercie toujours Hachem et les gens de l’aider, et son mari de la soutenir.
Ce sont des lettres horriblement déchirantes et difficiles, et qui deviennent de pire en pire.
Lorsqu’elle a essayé de fuir vers l’Espagne pour rejoindre son mari, elle a été arrêtée en France en tant qu’apatride et déportée depuis le sud de la France à Birkenau.
D’après les documents allemands, elle a été assassinée dès son arrivée au camp…
Cependant, elle avait réussi à faire passer le landau de sa fille de l’autre côté de la frontière avec un espagnol dont on recherche les descendants, et qui avait payé tous les billets de trains pour le bébé et la mère.
La mère avait laissé, dans le landau, une lettre à sa fille écrite en yiddish qui disait que s’il arrivait quelque chose, elles se verraient un jour à Jérusalem, en « Erets ». Elle lui demande aussi pardon de l’avoir mal nourrie à la naissance, de lait non Cachère parfois.
Elle a écrit le « Yohrzeit » de son père, de sa sœur jumelle et de sa mère. Derrière la lettre en hébreu, elle a écrit ce que nous pensons être une prière, mais nous avons du mal à la déchiffrer.
Elle écrit aussi que dans le landau, elle avait mis une paire de chaussette, un justaucorps pour le bébé, une petite veste, un bonnet et un Kéli.
Aussi disait-elle qu’elle aimait sa fille et que son mari, malgré ses déviances laïques communistes, avait une bonne âme de juif.
Voici mes questions :
1) Qu’est-ce que le Yohrzeit ?
2) Le mot Erets correspond-il à Israël ?
3) Ai-je fait un travail interdit durant Chabbat ? En ai-je fait faire un à ma mère ou à la jeune fille ?
4) Ma mère m’en veut beaucoup car depuis cette lecture, elle est complètement déprimée et torturée. Que dois-je faire pour l’aider ? N’aurais-je pas dû faire ça ? Dois-je m’excuser ?
5) Mon arrière-grand-mère mentionne le pain de Chabbat. La Mitsva n’est-elle pas accomplie avec un seul pain en cas de famine ?
6) Doit-on rembourser, aux descendants de l’espagnol qui a sauvé ma grand-mère, la somme des billets de train (c’était une très grosse somme pour l’Espagne d’après-guerre civile) ? Peut-on considérer cet homme comme un « juste » ?
J’ai la joie de vous dire que ma mère a décalé son baptême d’une semaine avec l’accord du prêtre (ou pope, je ne sais pas comment on dit dans le langage chrétien orthodoxe), car elle a besoin de réflexion. J’espère qu’elle l’annulera ainsi que le mariage.
Tout cela grâce aux lectures que vous m’avez conseillées, les prières et les lettres de mon arrière-grand-mère qui traduisent tant de souffrance du fait d’être juif, mais aussi tant d’amour et de joie à chaque Mitsva accomplie.
Chavoua Tov et merci infiniment.
Réponse du Rav Ron Chaya :
Chalom,
J’ai été très touché de lire la lettre de votre arrière-grand-mère.
Voici les réponses à vos questions :
- Yohrtzeit :
Ce mot en yiddish signifie littéralement « le temps de l’année », c’est-à-dire l’anniversaire du décès. - Érets est une abréviation de Érets Israël, la terre d’Israël.
Littéralement, « Érets » signifie la Terre. - Vous n’avez pas fait de travail interdit Chabbat, ni votre mère, ni cette jeune fille.
- Vous n’avez pas à vous excuser, continuez à la « torturer » car vous réveillez son âme.
C’est le conflit qu’il y a entre son âme et ses fausses aspirations qui la chamboulent.
Plus vous la « torturez » dans ce sens, plus elle risque d’annuler sa conversion au christianisme. - Bien sûr, en cas de famine, la Mitsva est faite même avec un petit morceau de pain.
Mais en temps normal, il est bien d’avoir deux pains entiers à chaque repas de Chabbat. - Inutile de les rembourser.
Il est clair que cet homme a fait une très grande Mitsva par cela.
Vos questions ne me dérangent absolument pas.
N’hésitez surtout pas à me réécrire.
Votre Téchouva et celle de votre famille sont très importantes aux yeux d’Hachem.
Au revoir,
Rav Ron Chaya
Référence Leava : 70309
Date de création : 2016-05-02 12:18:18