Si vos arguments pouvaient convaincre quelqu’un comme moi, cela me chagrinerait de ne pas intégrer la composante spirituelle dans mon référentiel de pensée…

 

Cher Rav Ron Chaya,

Je souhaiterais que vous étudiez mes questions diluées dans le texte ci-dessous et m’apportiez des réponses dans l’ordre, comme une dissertation philosophique, si vos arguments pouvaient convaincre quelqu’un comme moi, alors cela me chagrinerait de ne pas intégrer la composante spirituelle dans mon référentiel de pensée.

Pourquoi l’idée de D.ieu m’est-elle inconcevable ?

Toutes les nourritures spirituelles mais profondément terriennes, ont confirmé ce que je pressentais déjà :
Je suis totalement imperméable à l’idée de Dieu et fondamentalement matérialiste.

Au sens premier du terme, D.ieu m’est incompréhensible.
Je pourrais m’arrêter à ce constat et vaquer à mes occupations bassement matérialistes.
Mais une chose est d’en faire le constat, une autre est de comprendre pourquoi et comment certains de mes congénères semblent à même de laisser dans leur vie, dans leur cosmogonie, une place au divin.

Évacuons d’emblée la question de la révélation.
(Remarquez d’ailleurs que les apparitions et autres révélations touchent il me semble plus fréquemment la gente féminine que masculine pour croire en une intrusion brutale et miraculeuse du divin dans leur vie)

De tous les croyants avec lesquels j’ai eu l’occasion d’échanger sur leur foi, aucun n’a évoqué un tel sentiment d’illumination soudaine, comme au saut du lit, dans un « mais oui, c’est bien sûr » éclairant enfin leur quotidien.
D.ieu se rencontrerait donc au bout, ou au cours d’un cheminement, parfois long, mais en tout cas, très souvent, sinon toujours accompagné.
Voilà d’ailleurs le point central sans doute.

Je n’ai pas reçu d’éducation religieuse, mais ce terme d’éducation religieuse me trouble.
Pourquoi faudrait-il être éduqué à l’idée de D.ieu, à son message?
Tout enseignant le sait, toute éducation est une déformation, un modelage, sinon parfois un viol.
Éduquer va bien souvent à l’encontre de l’inné.
L’éducation, c’est fondamentalement de l’acquis.

Si croire, c’est être éduqué à D.ieu, être éduqué par des croyants donc, des religieux, sans aucune objectivité ni impartialité sur le sujet vous en conviendrez aisément, pourquoi l’éducation religieuse ne serait-elle purement et simplement manipulation ?

Manipulation consciente ou inconsciente, subie ou voulue, peu importe, mais manipulation tout de même.
Modelage de l’esprit à l’idée de D.ieu.

La question du comment est un des aspects du problème.
Il n’est cependant pas le plus important selon moi.

Pourquoi croire?
That is the question, comme dirait l’autre.

Si c’est une évidence, pourquoi ne l’est-elle pas pour tout le monde ?
Et pourquoi ne s’impose t-elle pas à moi ?

Si c’est un besoin, pourquoi puis-je m’en passer ?
Car il faut bien l’avouer, je n’ai nullement besoin de l’idée de Dieu ni des rites de la Torah pour organiser la cohérence de mon univers mental.
Il n’y a pas de place pour D.ieu dans mon monde.
Je n’ai pas besoin de D.ieu pour avoir une Morale, pour définir ce qui est Bien de ce qui est Mal.

D.ieu n’explique rien, Il ne donne aucune réponse supplémentaire à celles que ma raison peut m’apporter.
Et c’est bien là le point clé.

Or il est dit : «la Foi commence où s’arrête la Raison ».
Et il est d’ailleurs significatif de constater que, dans nos sociétés éclairées (même si sujettes de plus en plus à des éclipses effrayantes), plus la Raison s’avance, plus la Foi recule.
Qu’il soit préférable d’user de sa Raison pour convaincre un non-croyant d’adhérer à sa Foi plutôt que de son Bras, je ne peux que me réjouir que l’Eglise Catholique le promeuve après quelques siècles d’obscurantisme et de conversions quelque peu brutales.

Que J-P II, qui avait le sens de la formule en ce monde ultra-médiatisé, ait déclaré qu’un peu de science nous éloignait de D.ieu mais beaucoup nous en rapprochait, a dû réjouir a posteriori tous les scientifiques qui ont péri sur les bûchers de l’Inquisition ou dont on a brûle les livres.
Mais cela ne me convainc pas du caractère rationnel du divin.
Bien au contraire, si je ne me fie qu’à ma raison, D.ieu n’a pas sa place en ce bas monde, ni nul part ailleurs.

Ma conviction profonde, ce n’est pas très original mais j’y adhère volontiers, est que l’idée de D.ieu est une création humaine (et en cela, il a une certaine réalité) dont la fonction première et essentielle est de répondre à l’angoisse originelle de la mort.
D.ieu est une création de la conscience humaine pour ne pas s’abîmer dans les affres de sa mortalité certaine et inéluctable.

L’Homme a fort heureusement depuis su trouver d’autres réponses à cette question métaphysique première et fondamentale par des philosophies matérialistes, des philosophies du Bonheur terrestre et non du Salut.
Cette vision du Divin explique d’ailleurs également la phrase de JPII citée plus haut sur le rapport entre Science et Foi.

Aujourd’hui, la Science reste encore muette sur des questions fondamentales, liées par exemple à l’origine et au devenir de l’Univers.
Les réponses à ces questions sortent du champ scientifique pour entrer dans celui de la métaphysique, de la philosophie. Elles sont souvent d’ailleurs personnelles.
Et rien n’empêche alors même un astrophysicien d’apporter une réponse divine à ces questions.
C’est une des voies possibles, ce n’est pas la seule.
Ce n’est pas la mienne.

Voila cher Rav, j’ai fini-
En gros, outre les questions classiques de pourquoi D.ieu, la Torah, la culture sachant que les facultés de compréhension et l’éducation peuvent influencer les gens, mais pas tous, alors pourquoi moi…

Merci de prendre le temps de me répondre.
Abraham

Réponse du Rav Ron Chaya :

Cher Abraham,
D’abord merci de m’avoir écrit.

Il y a ici un grand canular.
Il y a des gens qui pensent que la religion juive est basée sur une foi, cela est absolument faux.

La Torah le dit bien (phrase qu’on répète 3 fois par jour) :

« Et tu sauras aujourd’hui, et tu ramèneras cette idée à ton cœur, que l’Eternel est le tout puissant ».

C’est-à-dire qu’il y a deux étapes :

  • D’abord la connaissance
    (« tu sauras »)
  • Ensuite la foi
    (« tu ramèneras à ton cœur »).

Un sentiment n’est pas légitime s’il n’est pas basé sur la raison.
La plus grande chose que nous ayons – et en cela nous sommes différents de l’animal – est la raison, qui nous permet d’analyser et vérifier si une chose est vraie ou fausse.

Comment alors l’annihiler au nom d’une foi qui est la chose la plus dangereuse qui puisse y avoir (les auteurs des plus grands génocides ont été de très profonds croyants, que ce soit en intégrant la notion de D. ou en la
niant) ?!
Le croyant est même un assassin potentiel car il peut se persuader (au nom de rien) qu’il possède la vérité qui peut amener le bonheur à l’humanité.
Si quelqu’un est opposé à cette vérité, de facto il devient ennemi de l’humanité et il faut, pour le bien de l’humanité, l’éliminer. De là l’origine des génocides.
La Torah dit, au contraire, que nous devons avoir une démarche rationnelle, et prouver de la façon la plus cartésienne possible l’existence de D.

Je t’invite à un séminaire que je fais à Paris en date du 17 février, qui dure un weekend, dans lequel je pars justement de la base que nous ne croyons en rien, de l’axiome qu’il n’y a que le paramètre de la raison qui puisse être retenu, et je prouve par a+b la véracité de la Torah, c’est-à-dire la présence d’un D. et la vérité de son message.

Je comprends tout à fait que cela puisse paraître présomptueux et même impossible, mais je connais le produit :
Jusqu’à ce jour il est imparable.

Tu me dis que D. est incompréhensible, je suis entièrement d’accord avec toi.
C’est dans cette mesure que l’idée de D. est acceptable, s’Il devient compréhensible, Il n’est plus D.

Néanmoins, prouver son existence n’est pas antithétique avec son caractère incompréhensible.
Une fois que la raison prouve que D. existe et que la Torah est vraie, alors l’éducation juive devient légitime.
L’éducation sans raisonnement à la base n’est effectivement qu’un viol de la stature humaine.

Tu me dis que tu n’as pas besoin de D. pour avoir une morale et définir ce qui est bien ou mal, j’imagine que tu seras d’accord avec moi que tes définitions du bien et du mal sont arbitraires et basées sur aucun fondement.
N’importe qui peut venir et décider que ce que tu appelles bien est mal et vice versa, car la raison (si ce n’est par la démonstration donnée au séminaire) ne peut définir ce qui est bien et mal.
Au mieux, elle pourra définir ce qui est d’intérêt général pour la survie de l’humanité, mais qui a dit que la survie de l’humanité était un bien en soi ?!

J’espère que j’ai été clair, et j’espère surtout te voir très bientôt.

Au revoir,
Rav Ron Chaya

 

Référence : 1000
Date question sur Leava : 2007-01-09 09:01:31