Les limites du érouv portent sur ma Avoda Hachem…

Rav chalom,

  1. Après un chiour de halakha bé-yioun sur le fait de porter Chabbat, on a appris que même s’il y a un érouv autour de la ville avec poteau et fil (comme vous l’expliquez dans un de vos cours), cela reste un issour de porter dans la ville parce qu’il y a des stades par exemple dans la ville qui sont eux-mêmes un réchout public fermé et qu’il y a aussi des gens qui ne pratiquent pas Chabbat.
    Je n’ai pas très bien compris le lien.

    En bref, le Rav qui a fait le cours dit et conclut que c’est complètement interdit de porter même avec le érouv, et que ceux qui autorisent, ce n’est qu’avec des critères que presque aucune ville ne respecte en Israël.
    J’ai lui dans le Yalkout Yossef que le Rav Ytst’hak Yossef chalita (ainsi que son père Zatsal) le permettent, mais très difficilement.

    Depuis, j’essaye de prendre sur moi de ne pas porter Chabbat, mais je me retrouve dans ces cas compliqués avec ma famille ou les enfants, et je ne sais pas maintenant si c’est une ‘houmra ou une halakha stricte…
    Ce cours m’a beaucoup embrouillé.

    Il y avait un Rav il y a 5 ans de ça qui m’avaient dit que je pouvais compter sur le érouv, mais à présent, j’entends que je fais un issour min haTorah de porter….

    Si par exemple un de mes beaux-parents me demandent de jeter la poubelle Chabbat parce quelle sent mauvais, j’ai le droit de lui refuser gentiment ?

  2. De manière générale quand on prend l’habitude d’une ‘houmra dans quelle cas peut on se passer de la ‘houmra et aller suivant la halakha stricte ?
  3. J’ai une question concernant la hashkafa :
    Comment on peut savoir qu’on est dans le derekh qu’Hachem attend de nous ?
    Personnellement, je travaille, j’ai une famille et j’étudie quotidiennement, mais plus j’étudie, et plus je me rends compte à quel point je suis loin du compte niveau Torah…
    Et si je continue à ce rythme, je finirai difficilement plus d’une ou deux masse’het dans ma vie, et cela peut-être très déprimant parce qu’à un moment donné, j’ai ce sentiment de perdre mon temps au travail, et passer a cote de l’essentiel.

    Alors c’est sûr, on ne se plaint pas Baroukh Hachem, car Il nous envoie une parnassa, on voit sa famille s’épanouir, mais ) côté de ça, on ne sanctifie que 10% de son temps au Boré Olam, et dans le travail, on n’est pas à l’abris de tomber dans le lachon hara, la chémirat enayim, et j’en passe…

    J’en arrive a la conclusion qu’on ne mérite rien de ce qu’on reçoit d’Hachem par rapport au temps qu’on Lui sanctifie réellement.
    Tout ça me fait me fait revenir à cette question posée au départ.

Merci

 

Réponse du Rav Ron Chaya : 

Chalom Yts’hak,

Voici les réponses à tes questions :

  1. Le Rav Ben Tsion Aba Chaoul Zatsal, qui était un des grands de la Torah de notre génération, écrit (Or Létsion, tome 1, section Ora’h ‘Haïm, chap. 30, et tome 2, page 204) que si on a un re’hov méfoulach, alors on ne peut pas compter sur le érouv.

    Qu’est-ce qu’un re’hov méfoulach ?
    Une rue ouverte des deux côtés vers rien, c’est-à-dire le désert ou la campagne, et lorsqu’on se trouve à une extrémité.
    On peut en apercevoir l’autre extrémité (un peu comme les villages du far-West dans les BD de Lucky Luke).

    Aujourd’hui, il est extrêmement rare de trouver une rue de ce genre dans le monde.
    Donc le Rav dit que ce n’est que dans ce cas-là qu’on ne peut pas compter sur le érouv, mais s’il n’y a pas une telle rue, ce qui est habituellement le cas, alors on peut compter sur le érouv.

    Néanmoins, il ajoute que lékhate’hila, il est mieux d’être ma’hmir sur les hotsaot qui sont Déoraïta comme le fait de sortir un objet à l’extérieur de façon normale et de l’y porter de façon normale.
    Mais par exemple, deux personnes peuvent passer d’un domaine privé à un domaine public en tenant ensemble un objet léger.

    On peut aussi sortir un enfant qui peut marcher par lui-même, ou sortir un enfant dans une poussette (celle-ci devient accessoire à l’enfant donc la pousser dans le réchout harabim n’est que dérabannan à condition qu’il n’y ait absolument rien aussi bien dans les poches de l’enfant que dans la poussette, donc uniquement l’enfant et la poussette).

    A chaque fois qu’on porte quelque chose à l’extérieur et où on sort du domaine public au privé ou vice-versa, on peut le faire béchinouï, différemment.
    Donc par exemple, en mettant un mouchoir sous le chapeau, ou en l’attachant à notre nuque, ou bien on s’arrête tous les moins de deux mètres.

    Tout cela est permis sans problème car ce sont des hotsaot dérabannan et non Déoraïta.

    Pour les femmes, on autorise également sans problème même pour des hotsaot Déoraïta.

    Pour les hommes, il est bien d’être ma’hmir lorsqu’il s’agit d’une hotsaa Déoraïta, donc une hotsaa habituelle.

  2. Ta question est très difficile car il existe des cas où on doit faire attention à ne pas faire la ‘houmra et faire la halakha stricte, surtout lorsque cela touche ben adam la’havéro, et encore plus les parents et beaux-parents.

    Donc dans le cas des beaux-parents, personnellement, j’aurais dit que tu descends la poubelle sans problème.
    Tu peux la sortir de chez toi béchinouï, tu la prends sur le dos de ta main ou sous ton aisselle etc., et ainsi ton acte est permis selon tous les points de vue.

    Pour donner un exemple :
    Le Rav Steinmann Zatsal ne mangeait pas de banane car il y a en cela éventuellement un problème de orla.
    Bien que le Choul’han Aroukh ait tranché que ce n’est pas le cas et cela est donc totalement permis, il y a néanmoins en cela une mesure de piété.
    Néanmoins quelques Richonim pensent ainsi.

    Un jour, sa femme est revenue du marché. Le Rav étudiait, mais le petit-fils était présent.
    Comme elle était fatiguée, elle est allée dormir en disant au petit-fils :
    « Quand ton grand-père [donc le Rav Steinmann Zatsal] arrêtera d’étudier, dis-lui qu’il fasse le maasser des fruits et légumes ».
    Il a dit cela au Rav qui a fait le maasser.

    Ensuite, le Rav a dit à son petit-fils : « J’ai coupé cette banane en deux pour en prélever le maasser ; mange-la ».
    Le petit fils n’avait pas envie de la manger ; pour finir, le Rav Steinmann Zatsal l’a lui-même mangée.

    Pourquoi ?
    Parce qu’il ne voulait pas que le lendemain, sa femme voie un fruit coupé en deux, cela l’aurait dérangée un peu, d’autant plus qu’il noircit, donc cela l’aurait un peu dégoûtée ; pas beaucoup, mais le Rav a passé outre sa mesure de piété de ne pas manger de banane durant toute sa vie pour éviter que sa femme soit mal à l’aise.

    C’est un exemple merveilleux qui nous apprend parfaitement à quel moment on doit arrêter de faire une ‘houmra pour l’autre. 

    En général, c’est lorsqu’il s’agit de ben adam la’havéro ; il est vrai qu’on a tendance à mettre davantage l’accent au niveau des relations entre Hachem et nous plutôt qu’entre notre prochain et nous, alors qu’il faut faire exactement le contraire (sans toutefois faire de péché !).

  3. Si tu as réellement le choix de moins travailler pour t’adonner davantage à l’étude de la Torah, il est clair qu’il faut le faire.

    En général, on veut agir ainsi mais on n’a pas le choix, si c’est le cas cela signifie qu’Hachem nous demande d’être dans la situation dans laquelle nous nous trouvons.
    Et à ce moment-là, on est considéré comme si on faisait notre mission sur terre à 100%.

Comme cela est écrit dans le traité Berakhot (p. 5b) :

« é’had hamam’it
véé’had hamarbé

ou-bilvad chéyékhavèn libo lachamaïm


que quelqu’un étudie peu
ou beaucoup d’étude de Torah,
cela revient au même à condition qu’il le fasse léchèm Chamaïm ».

Ça, c’est quand on n’a pas le choix, et en effet, tout le monde n’a pas le choix.

Plus que cela :

  • Si quelqu’un n’a pas le choix et doit travailler pour nourrir sa famille, mais qu’il consacre son temps libre à s’investir dans la Torah de façon exemplaire, alors dans le Ciel, on considère que tout son temps, même lorsqu’il travaille, est une étude de Torah de qualité équivalente au temps qu’il investit en Torah.

Donc d’habitude, beaucoup plus que celui qui étudie la journée entière car forcément, il n’est pas toujours à 100%, il a des moments de faiblesses et de moindre pression.

Au revoir et à très bientôt,
Rav Ron Chaya

 

Référence Leava : 80908
Date de création : 2018-03-12 14:35:58