La Torah serait-elle pour vous une norme immuable ? Où est notre part dans cette extraordinaire aventure ?

 

Chalom Rav,

Dans une réponse précédente, vous parliez du « judaïsme orthodoxe » qui serait le seul authentique depuis 3000 ans.

J’avoue ne pas comprendre entièrement.

Rabbi Akiva et ses élèves, Saadia Gaon, Rambam portaient ils un chapeau borsalino comme tous les orthodoxes le font maintenant ?
Mangeaient ils la même cacherout que nous quand on sait que Rabbi Yossi mélangeait le poulet avec le lait et enseignait cela à sa communauté ?

Ou commence donc dans l’histoire votre judaïsme « orthodoxe » ?

Au Choul’han Aroukh ?

Mais le recours à ce dernier n’a-t-il pas été critiqué par les plus grands ?
(le Maharal par exemple, qui y voit une faiblesse intellectuelle et qui dit explicitement dans Nétivot Olam que l’application d’une Halacha doit sortir d’un limoud et non d’un texte)
C’est d’ailleurs l’étymologie du nom orthodoxe (doxa, opinion, droite).
La Torah, selon vous serait donc une norme, une opinion droite qui ne bouge plus depuis 3000 ans ?
Ou serait donc notre part personnelle dans cette extraordinaire aventure ?
Quel serait donc l’utilité de l’étudier si tout est décidé depuis le Choulkhan Aroukh , il y a 500 ans ?

La comprendre ?

Certes.

Mais une fois qu’on a compris qu’est-ce qu’on fait ?
Et si mon histoire, mon expérience, mon étude et ma fréquentation des maitres font que je la comprenne différemment, qu’est-ce que je-fais ?

Pour vous donc, la Torah est une vérité absolue et les hommes n’y ont aucune part et ne peuvent pas la changer au fil des générations ?
Pourtant, si je ne m’abuse, a l’époque du Sanhedrin, les lois étaient revotées à chaque génération, le Méchèkh ‘Hokhma dans le commentaire de la percha Be’houkotaï dit même que c’est un élément central pour la pérennité du peuple juif.

J’aimerai bien avoir votre point de vue sur cette problématique.

Cordialement

Meir

Réponse du Rav Ron Chaya : 

Chalom Méïr,
Voici la réponse à tes questions :
  • Comme l’explique Maïmonide dans les lois relatives aux non-juifs au début du chapitre 11 et comme cela est relaté aussi dans le Choul’han ‘Aroukh Yoré Déa ch.178 alinéa 1, un juif doit s’habiller en tant que juif.
    • Or il n’existe pas d’habit intrinsèque juif, celui que portait par exemple Moché Rabbénou.
      • L’essentiel est que le juif soit différencié du non-juif.
  • Aujourd’hui, la mode est le borsalino, demain elle sera différente.
En gros, elle est environ la mode des goyim 50 ans plus tard.
Donc peut-être que dans 50 ans, les grands de la Torah porteront des jeans troués alors que les goyim se baladeront tous en bikini.
On verra bien.
Mais l’essentiel est donc de s’habiller en juif, peu importe quel est le style d’habit, du moment que c’est ainsi que s’habille le juif et que c’est ainsi qu’il est reconnu par les goyim.
  • A l’époque des Tanaïm, pas tous ne mangeaient la même cacherout, car comme tu le dis très bien, Rabbi Yossé pensait qu’on pouvait mélanger le poulet avec le lait.
    • Mais la halakha n’a pas été tranchée comme Rabbi Yossé.
      • Nous mangeons une cacherout qui est fixée par la halakha.

Comment se fixe la halakha ?

  • C’est une chose extrêmement complexe.
    • Il y a les Richonim, le Choul’han ‘Aroukh puis les A’haronim.
      • Comme je l’ai expliqué dans le lien suivant, les grands de la Torah sont d’une envergure qui dépasse de très très loin le commun des mortels que ce soit en connaissance, en sainteté, en proximité d’Hachem, et c’est eux que Hachem a envoyé pour diriger le peuple d’Israël et c’est eux donc qui trancheront la halakha d’après des critères de la halakha institués par les grands des siècles et millénaires passés.
    • Mais sache que dans le cadre de ces critères,
      • il y a néanmoins une très très grande marge de manœuvre.
        • Preuve en est, que les décisionnaires ne sont très souvent pas d’accord entre eux.
  • Et sache que par exemple en Israël, il y a en moyenne deux livres de commentaires de Torah qui paraissent tous les jours.
    • Or, il est clair que chaque livre est différent de l’autre.

Il y a donc une recherche intellectuelle immense dans la façon orthodoxe de faire qu’a le peuple d’Israël depuis des siècles.

Je t’invite d’ailleurs à rentrer dans le monde de l’étude de la Guémara, des Richonim, des A’haronim et ensuite de la halakha et tu verras à quel point il s’agit d’un océan où chacun a sa part de nouveauté à amener, bien sûr tant qu’il reste dans le cadre des critères de la halakha.
  • Comprends que pour pouvoir se permettre de sortir hors des critères de la halakha des grands de notre génération et des siècles passés, il faut être au moins grand comme eux.
  • Le jour où tu seras grand comme eux, tu seras libre de le faire. Mais avant, il faut un peu d’humilité et comprendre qu’il n’y a pas de commune mesure entre notre niveau et leur niveau.
    • C’est comme si je viens expliquer à un chirurgien de renommée internationale comment faire une opération alors que j’ai le niveau de connaissance d’un étudiant de première année de médecine, cela n’a aucun sens.
  • Alors, permets-moi de te dire que ta question met en relief à quel point tu ne connais pas ce sujet.
    • Alors, comme je te l’ai conseillé, commence à étudier la halakha et tu verras que c’est un monde extrêmement vaste permettant à chacun de s’exprimer et d’amener sa partie de Torah à l’édifice extraordinaire de notre patrimoine (bien sûr dans le cadre des critères de la halakha).
Au revoir,
Rav Ron Chaya

 

Référence Leava : 24119
Date de création : 2013-05-07 16:05:15