La Torah parle-t-elle du préjudice causé à un employé à qui l’employeur ne paie pas son salaire ?

Chalom Rav CHAYA,

Ma question porte sur le travail professionnel.

En effet, qu’en est-il de la gravité lorsqu’un employeur paye volontairement en retard un employé et donne des excuses non crédibles pour retarder son paiement ?
La Torah parle-t-elle du préjudice causé (financier et surtout moral…lorsque l’employé a le sentiment qu’on lui vole le fruit de son travail,l’humiliation ressentie) ?
Comment la Torah aborde-t-elle cette injustice ?

Merci infiniment pour votre réponse.

 

Réponse du Rav Ron Chaya : 

Chalom,

Cela est très grave, cet employeur transgresse plusieurs interdits.

Il y a une ordonnance dans la Torah (Vayikra chapitre 19 verset 13) :

« Ne commet point d’extorsion sur ton prochain »

Cette traduction est une mauvaise traduction, ce verset signifie : 

« Tu ne retiendras pas la paye de ton prochain »

Comme l’explique Rachi.
Tu n’exploiteras :
Il s’agit de celui qui retient la rétribution du salarié (Torath kohanim).

Ce même verset continue et écrit :

« Que le salaire du journalier ne reste point par devers toi jusqu’au lendemain ».

Il y a déjà ici deux interdits.

De plus, il est écrit (Devarim chapitre 24 verset 15) : 

« Béyomo titen sekharo vélo tavo alav hachémèch »,
« le jour même, tu lui remettras son salaire, avant que le soleil ne se couche ».

La vengeance d’Hachem contre celui qui agit ainsi est clairement écrite dans Malakhi, chapitre 3 verset 5 :

« Et Je M’approcherai de vous pour faire justice ;
Je serai un témoin empressé contre les magiciens,
contre les adultères, contre les parjures ;
contre ceux qui font tort au journalier dans son salaire
etc. ».

Dans le contrat d’embauche, si l’employé et l’employeur n’ont pas fixé le moment où l’employé doit recevoir sa paye, l’employeur doit le payer le jour même ; c’est-à-dire que si l’employé a fini le travail avant le coucher du soleil, il faut le payer avant que ce moment n’arrive.
S’il finit la nuit tombée, il faudra le payer avant le lever du jour du lendemain.

Si l’employé travaille la nuit, s’il finit pendant la nuit, il faut le payer avant le lever du jour.

S’il finit de travailler durant la journée, il faudra le payer avant le coucher du soleil.
Certains avis disent que le moment limite n’est pas le coucher du soleil mais la sortie des étoiles.

Même si l’employeur n’a pas embauché l’employé pour quelques jours ou même pour quelques heures, mais simplement pour lui rendre un service de quelques minutes, tous ces interdits sont transgressés (au moins une loi négative et une loi positive).

Attention, il est courant de transgresser cela lorsqu’on prend par exemple une baby-sitter, il est impératif de la payer à la fin de la soirée ou du moins avant le lever du jour, à moins qu’on ait fixé cela différemment avant que le travail ne soit accompli. 

Un employé embauché pour plusieurs semaines, mois ou années, et qui doit être payé en fin de cette période de travail, devra recevoir impérativement sa paye le jour où il finit de travailler, à moins que le contrat stipule une chose différente.

Tout cela est valable non seulement lorsqu’on emploie un être humain, mais aussi lorsqu’on loue un objet, et d’après certains décisionnaires lorsqu’on loue un appartement ou un terrain. 

Ces interdits concernent aussi bien évidemment un employé qui n’a pas atteint la majorité religieuse (12 ou 13 ans).
L’employeur ne transgresse cet interdit que s’il a de l’argent pour payer son employé et qu’il ne le fait pas, mais s’il n’a pas d’argent, il ne transgresse pas cet interdit.
Néanmoins, s’il a prêté de l’argent à une tierce personne, que la date de d’échéance de ce prêt est arrivée, et donc qu’il peut récupérer son argent et qu’il ne le fait pas, l’employeur transgresse ces interdits en ne payant pas l’employé à temps.
De même, il aura l’obligation, s’il peut le faire, de faire un emprunt pour payer à temps son employé.

Une fois la période de travail de l’employé terminée, l’employeur ne pourra pas utilisé son argent pour faire des achats supplémentaires pour son affaire ou pour autre chose, il devra d’abord utiliser cet argent pour rémunérer son employé.

L’employeur ne transgresse tous ces interdits que si l’employé lui a demandé sa paye, si ce n’est pas le cas, il y a une divergence d’opinion pour savoir si l’employeur qui n’a toujours pas payé son employé transgresse un interdit dérabannan ou s’il n’a simplement qu’une mesure de piété de le payer à temps.

Si l’employeur a payé presque toute la paye, et qu’il ne reste qu’une infime partie de la somme à payer, il transgresse néanmoins tous les interdits susmentionnés tant qu’il n’a pas tout payé.

Si lorsque le moment de la paye est arrivé l’employeur n’a pas d’argent pour payer l’employé, il devra le faire dès qu’il obtiendra de l’argent ; il transgresse tous ces interdits si par la suite il obtient de l’argent et qu’il ne s’en sert pas pour payer son employé.

Dans les cas où une personne n’a pas employé une autre, mais qu’elle lui a loué un objet, le loueur devra payer immédiatement l’argent en fin de location bien que le propriétaire de l’objet ne lui ait pas encore demandé cet argent.
En effet, ce dernier n’est pas censé savoir quand la période de location s’achèvera (à moins que cela ait été stipulé dans le contrat).

Si l’employeur ou la personne qui a loué l’objet n’a pas payé à temps l’employé ou le propriétaire de l’objet loué, il a transgressé l’interdit de la Torah mais il ne transgresse pas un interdit de la Torah supplémentaire en restant ainsi plus de temps sans le payer. Il transgresse néanmoins l’interdit (Michlé, 3, 28) : 

« Ne dis pas à ton prochain :
« Va, tu reviendras ;
demain je donnerai »
quand tu as de quoi ».

Il est écrit dans Chaar hamitsvot, parachat Ki Tétsé, que Rabbénou ha-Ari repoussait sa prière de min’ha parfois presque jusqu’au coucher du soleil pour pouvoir trouver de l’argent à emprunter pour payer à temps un des ses employés.

Il disait :
« Comment puis-je aller prier alors qu’une mitsva pareille m’est offerte et je ne la ferai pas ?! ».

Qu’Hachem ait pitié de son peuple, et qu’Il fasse faire techouva à tous ceux qui ne payent pas leurs employés en temps et en heure, Amen.

Au revoir,
Rav Ron Chaya

 

Référence Leava : 17143
Date de création : 2012-03-06 18:03:35