Chalom Rav Ron CHAYA,
Je tiens à vous remercier pour le travail fondamental que vous faites et dont vous nous faites profiter grâce à votre site.
Je saisis la chance que vous nous offrez de vous questionner et je m’excuse par avance de la longueur de ma question, mais à vouloir trop simplifier on dénature parfois la réalité.
Aussi, prenez tout le temps qu’il vous plaira dans le cas où vous auriez la possibilité de me répondre.
J’ai 36 ans ; je suis le fruit d’une union mixte à plus d’un titre :
- Mon père est noir,
catholique de la Caraïbe, - ma mère est blanche
juive d’Europe.
Elle-même est issue d’une union mixte, mon grand-père maternel était catholique,
ma grand-mère maternelle est juive ashkénaze.- Les parents de ma grand-mère maternelle étaient tous deux juifs.
- Je suis donc juif.
- Les parents de ma grand-mère maternelle étaient tous deux juifs.
- Je suis né à Paris.
- J’ai perdu ma mère quelques jours avant mon huitième anniversaire.
- J’ignorais à cet âge qu’elle était juive.
- Ma grand-mère maternelle s’occupa de moi durant deux ans sans jamais évoquer son identité juive.
- Lorsque j’eus 10 ans environ, mon père se mit en ménage avec une bretonne, catholique.
- Ma grand-mère retourna chez elle, mais je restais en contact avec elle, allant la voir plusieurs fois par semaine.
- Lorsque j’eus 14 ans, mon père décida, ses parents vieillissant, de retourner vivre sur son île natale, La Martinique, avec sa femme et moi.
- Quelques semaines avant le départ, ma belle-mère me fît remarquer que ma grand-mère était juive, son nom ne laissant que peu de doute a ce sujet.
- Pour moi, il s’agissait d’un véritable scoop !
- Lors d’une de mes fréquentes visites à ma grand-mère (d’autant plus fréquentes que le départ arrivait…), après quelques hésitations car j’avais compris que j’abordais un sujet délicat, je lui demandais si elle était réellement juive.
- Elle fût d’abord surprise, puis se reprit et me répondît sèchement :
- « oui, mais ce n’est pas la peine de le répéter ».
- Ma grand-mère est un modèle de douceur, d’attention et d’abnégation.
- La façon dont elle me répondît m’indiqua clairement que j’évoquais un sujet sensible et qu’elle ne souhaitait plus l’aborder, ce que je fis.
- C’est ainsi que je quittais Paris pour la Martinique, avec mon père et ma belle-mère, dans la famille de mon père, où m’attendait une ambiance chaleureuse, conviviale et catholique !
Il faut bien comprendre qu’à l’époque je n’avais pas compris que j’étais juif.
Je n’avais même pas compris que ma mère était juive.
Le temps passa.
Vers 20 ans, un ami dont le père était juif et à qui j’avais raconté ma petite histoire, me dit que ma mère était surement juive et moi également.
Les mois passèrent et cette idée me travailla, bien que je n’osais pas voir directement un rabbin pour en parler (Internet n’était pas très développé !).
Je me disais, à tort, qu’un métis pas circoncis n’avait rien à faire dans une synagogue et qu’on me regarderait surement de travers…
Le temps passa.
Je me mis en ménage avec une jeune femme non-juive.
Elle tomba enceinte.
Cet événement important dans ma vie me donna du courage pour en savoir plus sur moi.
Je pris rendez-vous avec le rabbin de la synagogue de la ville de Schœlcher en Martinique, qui me confirma au vu des documents d’état civil en ma possession que j’étais juif.
Mon intérêt pour l’histoire et la religion juive, qui s’était développé dés mes 14 ans quand j’appris les origines de ma grand-mère, s’accentua encore, même si je ne disais pas encore « je suis juif », mais « j’ai des origines juives ».
Le temps passa.
J’épousais la mère de ma fille et nous rentrâmes en métropole.
Cela fait 9 ans maintenant.
Plus ma vie de famille s’installait, plus mon désir d’ « être juif » se développait, mais j’avais en face de moi deux murs qui me paraissaient insurmontable :
- je n’étais pas circoncis et n’avais reçu aucune éducation juive d’une part
- et, d’autre part, ma vie de famille était en complète contradiction avec mes aspirations identitaires et spirituelles
(et même avec l’éducation laïque et antireligieuse de mon père mais c’est une autre histoire).
J’aimais ma femme et ma petite fille.
Ma situation me semblait insoluble et cela me rendait malheureux.
A nouveau, je laissais le temps passer.
Ma femme mit au monde mon fils.
Et nous voilà aujourd’hui.
- J’apprends l’Hébreu depuis 2 ans et demi.
- J’ai des périodes ou j’essaye de faire Téchouva :
au mieux dans ces cas là je récite le Chéma matin et soir, et nous respectons, à notre mesure, le Chabbat.
Et puis après j’oublis tout ou plutôt je me souviens de l’absurde de ma situation (périodes qui durent malheureusement plus longtemps) et je ne prie plus, plus de Chabbat, plus de Cacherout…
Je parle bien-sûr à mes enfants de mes origines.
Je tâche de leur expliquer la religion juive.
Avec ma grand-mère aussi on peut maintenant parler.
Elle me raconte sa vie juive, la guerre, sa sœur à Auschwitz, l’étoile jaune, ma mère qui nait en 1940 à Paris, la peur au ventre tout ce temps.
Je ne lui en veux pas.
Ma grand-mère à des sœurs et des frères.
Ils ont touts (sauf un) caché leurs origines.
J’ai des cousins qui ont ignoré jusqu’à l’âge adulte qu’ils étaient juifs et que leur grand-mère, toujours parmi nous aujourd’hui, avait « fêté » ses 20 ans à Auschwitz.
A ma connaissance, je suis de ma famille à tenter d’effectuer ce retour.
J’ai deux grands demi- frères (fils de ma mère) qui dans le meilleur des cas se moquent gentiment de moi quand je leur parle de notre judaïsme.
Ils sont athées, cartésiens, antireligieux, laïques comme la grande majorité de ma famille et de mon éducation.
Rav, je viens très respectueusement vous dire que je ne sais plus comment faire.
J’aimerais être un « bon juif » mais je sais bien que ma situation ne me le permet pas.
Quand je reviens vers la religion, je sens que je suis à ma place, le reste du temps, je perds mon temps.
Pouvez-vous me conseiller ?
Peut-être avez-vous connaissance de situation similaire à la mienne ?
Sinon, ce n’est pas grave, je vous remercie d’avoir pris le temps de lire ce mail un peu trop long.
Qu’Hachem vous bénisse,
Respectueusement,
Réponse du Rav Ron Chaya :
Chalom,
Je connais beaucoup de cas similaires au tien, hélas.
La Shoa n’a pas fait que de tuer des corps mais elle a aussi beaucoup contribué à l’assimilation.
Comme tu le dis, il ne faut pas en vouloir a nos grands-parents qui ont voulu cacher leur judaïsme, mais néanmoins le résultat lamentable est là car dans la plupart des cas, la majorité de leur descendance est aujourd’hui assimilée et tout à fait inconsciente de leur identité juive et ils ont hélas contribué, dans une certaine mesure et à leur corps défendant, au but qu’avait Hitler :
la disparition du peuple juif.
En ce qui te concerne, étant juif, il est clair que tu dois tout faire pour te rapprocher de la Torah, cela se fera principalement par de l’information.
- Tu dois étudier la Torah,
- Lire des livres,
- Aller à des cours en réel ou sur internet,
tout ce que tu peux faire, le maximum du temps que tu peux.
Cela ne peut te faire que le plus grand bien comme d’ailleurs tu témoignes le ressentir.
En ce qui concerne ta femme, effectivement, la liaison avec ta femme est prohibée par la Torah, dès lors il y a deux solutions :
- Ou la quitter
- Ou qu’elle se convertisse.
Je comprends que ce que je dis est un peu cru, mais je préfère aller droit au but.
Donc parlez-en ensemble, regardez quelle serait la solution qui vous conviendrait le mieux et essayez d’agir dans ce sens.
Il n’y a aucun problème à être métis circoncis, j’ai eu chez moi à la Yéchiva un garçon dont le père était antillais et la mère juive et aujourd’hui c’est un très bon juif ; j’ai eu d’autres élèves qui, comme toi, avaient un père et un grand-père non juifs, aujourd’hui ils enseignent la Torah.
Cela ne doit causer aucun problème.
Indépendamment de tout cela, une chose qui peut beaucoup t’aider à renforcer le branchement que tu as avec la divinité est de pratiquer rapidement la Brit Mila.
C’est une petite opération qui ne dure que dix minutes, à ce titre, va sur le site de http://www.worldbrit.com/ et consulte les témoignages de personne adultes qui ont fait la Brit Mila et tu verras qu’en fait cela ne demande pas grand-chose.
Tu peux contacter aussi le Rav Avraham Kadoch au 01 77 38 00 72 qui t’expliquera et répondra à toutes tes questions concernant la procédure ou le bien fondé d’une telle démarche.
Tiens-moi s’il te plaît au courant.
Au revoir,
Rav Ron Chaya
Référence Leava : 7840
Date de création : 2009-12-31 00:12:58