J’ai plusieurs questions en majeure partie existentielles…

 

Shalom Rav,
En premier lieu, je tiens à vous remercier pour votre travail ainsi que celui de toutes les personnes qui vous entourent et vous aident.
Votre travail unique aide énormément à faire avancer la connaissance et le génie du judaïsme.

Mes questions :

  1. Si par hypothèse D’ est parfait, pourquoi a-t-Il donc eu besoin de créer quelque chose, et l’Homme en particulier ?
    En effet, dans sa perfection infinie, comment pouvait-il avoir « besoin » de créer un être hors de lui ?
    Dans un de vos cours, vous expliquez, en substance, que D’ est bon par définition.
    Étant bon, il doit faire le bien.Mais alors :
    Si D’ est parfait, sa bonté devrait être elle-même parfaite et donc contenir en substance tout le bien, et non contenir un manque, à savoir le besoin de faire du bien, de donner à autrui etc… !

    Autrement dit, un être parfait, totalement bon, ne devrait pas avoir une simple bonté « potentielle » ou conditionnelle (c’est-à-dire une bonté qui ne peut se réaliser que par la réalisation d’actes de bonté ou l’octroi du bien, révélateur d’une imperfection originelle), mais bien une bonté totale, absolue, autonome…parfaite, qui ne révèle aucun manque ni besoin ou conditions à la bonté!

    PS :
    J’ai bien conscience d’utiliser dans cette question une conception très « humaine» des choses, notamment dans la notion de « besoin » de « bonté » etc., mais existe-t-il une réponse rationnelle à cette question ou doit-on se contenter de considérer que la réponse à ce genre de questions ne peut, au final, que dépasser la compréhension humaine ?
    Dans cette hypothèse, tout à fait compréhensible, cela ne montrerait-il pas les limites d’une approche purement rationnelle de la religion…
    Qu’en pensez vous ?
    Pourriez-vous me conseiller des sources permettant d’approfondir cette question ?

  2. Comment comprendre l’unité de D’, alors que par son acte de création, D’ s’est « retiré » pour permettre le déploiement du monde et l’existence de l’homme ?
    En d’autres termes, peut-on vraiment dire que D’ est UN si l’homme existe et qu’il est doté du libre arbitre qui échappe en quelque sorte à D’?
    Pourriez-vous me conseiller des sources permettant d’approfondir cette question ?
  3. Plusieurs études scientifiques remettent en cause le fait que la Torah (tout au moins le Décalogue) ait pu être écrite par une seule entité/personne.
    Or ces études ne se fondent pas uniquement sur des simples variations de vocabulaire entre les différents livres (par exemple les différents noms de D’), mais surtout sur d’importantes différences de styles (vocabulaire, syntaxe etc.) qui viendraient témoigner d’origines et d’influences différentes.
    Comment expliquer l’origine divine du texte au regard de ces études?
    Pourriez-vous me conseiller des sources ayant répondu à ces questions ?
  4. Comment expliquer le lien si particulier existant entre l’Égypte et le peuple juif dans la Torah ?
    Abraham y est descendu, Joseph y fut roi, Moïse y fut adopté par la famille royale, le peuple juif y fut accueilli, puis mis en esclavage puis libéré etc… ?
    Pourquoi l’Égypte est-elle aussi omniprésente dans la Torah, à toutes les étapes de la naissance et du déploiement du peuple hébreu puis juif ?
  5. Au vu des liens si « étroits » entre l’Égypte et Israël, comment ne pas s’interroger sur la thèse de Freud suivant laquelle (pour simplifier) Moïse aurait pu avoir été un haut dignitaire d’origine égyptienne, adepte de la religion d’Aton (première forme de monothéisme) et qui, après l’interdiction de ce culte par le Pharaon, aurait décidé de convertir les hébreux à ce monothéisme originel. Freud ajoute également que l’introduction de la circoncision, qui daterait de cette époque, en serait le témoignage puisque cette pratique aurait été propre aux Égyptiens ?
    Connaissez-vous des sources sérieuses ayant réfuté la thèse de Freud ?
  6. La méthode « rationnelle » pour démontrer la véracité de la Torah semble s’appuyer sur de nombreuses formes d’interprétations de la Torah :- Parfois littérales
    (par ex : concernant les malédictions énoncées contre Israël s’il ne respecte pas la Torah),

    – Parfois un peu plus allégoriques
    (par ex : création du monde en six « jours »… « jours » qui s‘avèrent devoir être plutôt compris comme 6 unités temporelles pour un référentiel non humain …),

    – Parfois encore plus allégoriques….

    Bref, comment ne pas considérer dans ces conditions qu’il est effectivement facile de prouver la véracité de la Torah lorsque (i) les méthodes d’interprétations sont très variées (voire infinies !) et varient au gré des thèmes et passages étudiés (en fonction des passages, une approche littérale ou allégorique sera utilisée, ce sans règle prédéfinie), et (ii) que les sources d’interprétations officielles de la Torah sont elle-même très variées (Michnah, Talmud, Midrach etc.) !

    En d’autres termes, s’il n’y avait qu’une seule source d’interprétation du texte et qu’une seule méthode d’interprétation valable pour interpréter l’ensemble du texte de façon cohérente (ou alors des règles d’interprétation très claires déterminant la méthode d’interprétation à utiliser en fonction du passage) la véracité du texte et son origine divine serait plus convaincante…

    Pour le dire simplement, j’ai l’impression que (i) les sources et (ii) les méthodes d’interprétation sont tellement variées et utilisées différemment en fonction des besoins ou des difficultés rencontrées, qu’il en devient presque impossible de ne pas réussir à prouver que le texte dit toujours la vérité !

  7. Avant l’alphabet hébreu, tel que nous le connaissons aujourd’hui, existait apparemment un alphabet dit protosinaïtique, devenu, par dérivations et modifications successives, à l’origine de la plupart des alphabets utilisés aujourd’hui dont l’alphabet hébreu que nous connaissons aujourd’hui.Bien que son origine soit encore peu claire comment croire au caractère sacré des lettres de l’alphabet hébreu alors que leur étude fait apparaître qu’elles procèdent d’un alphabet bien plus ancien, lui même apparemment crée par les hommes en fonction de leur représentation du monde (le aleph cursive, par exemple, représenterait une tête de taureau avec rotation de 90°, symbolisant la force, le beth, une maison avec une ouverture sur la gauche etc.) ?

    Par ailleurs, le monde aurait été crée, selon la mystique juive, avec les lettres de l’alphabet.
    Comment comprendre, au vu de ce qui précède, qu’il s’agissait, même symboliquement, des 22 lettres que nous connaissons si celles-ci ont été crées bien après et sous l’influence de représentation humaines ?

Merci infiniment

 

Réponse du Rav Ron Chaya :

Chalom David,

Voici les réponses à tes questions :

  1. Hachem veut prodiguer Sa bonté pas par besoin ou par nécessité de réaliser Sa volonté qui n’était que potentielle donc manquante, car effectivement, cela signifierait qu’Il a des besoins et qu’Il a un manque, choses tout à fait incompatibles avec la notion de divinité.
    Hachem veut prodiguer le bien parce qu’Il est parfait dans Sa bonté, et il est dans la nature d’une bonté parfaite de vouloir prodiguer le bien.Comme je l’ai expliqué dans le cours « Le but de la création », contrairement à l’être humain dont la volonté est toujours motivée par un besoin ou un manque, nous devons comprendre qu’Hachem est différent de l’être humain, et qu’Il veut parce qu’Il veut, sans que Sa volonté soit motivée par un manque ou un besoin.
    Ces choses sont à la fois simples et profondes, je te recommande de visionner le cours susmentionné pour plus de détails à ce sujet.
  2. Si effectivement on se base sur la théorie qui affirme qu’Hachem s’est « retiré » pour laisser place à l’homme, ta question se pose.
    Mais il n’est pas du tout nécessaire d’y avoir recours, on peut tout à fait dire qu’Hachem est le Maître du monde, Maître total et absolu, et dans cette mesure Il est Un ; et bien que l’être humain ait un libre-arbitre, vu que ce libre-arbitre ne lui est octroyé que par Sa volonté, elle n’empiète en rien dans Son unité.Si je me souviens bien, il me semble que le livre « Chomer émounim hakdamon » traite de ce sujet.
  3. Avec toute la bonne volonté du monde, je ne peux vraiment pas comprendre comment on peut appeler scientifique une théorie qui se base sur une différence de style et de syntaxe pour dire que 2 textes différents à ce niveau ont forcément 2 auteurs différents.Par exemple, Albert Camus a écrit entre autre 2 livres :
    « Le mythe de Sisyphe » et « L’étranger ».
    Ces deux livres développent exactement la même théorie, mais qui n’ont absolument rien à voir dans leur style respectif, et pourtant ils sont du même auteur !
    Il n’y a aucun doute que dans 3000 ans, si quelqu’un veut remettre en cause le fait que ce soit lui qui ait écrit les 2 œuvres, il ne pourra pas le faire pour cette raison.

    A ce titre, je te recommande aussi la lecture du livre de Raymond Queneau intitulé « Exercices de style » où il raconte la même histoire avec une cinquantaine de styles différents.

    Je crois que si on veut trouver un exemple de ce que des personnes veulent appeler scientifique et qui est exactement le contraire ce qui est vraiment scientifique, on pourrait citer comme exemple cet « argument » concernant le Deutéronome.

  4. Dans la Torah, le nom, donc le signifiant, évoque toujours l’essence du signifié.« Mitsraïm », l’Égypte, d’après le Zohar, peut se lire en 2 mots, « métsèr » et « yam », c’est-à-dire l’agent qui met la mer à l’étroit.

    La mer, dans les écrits de ‘Hazal, symbolise toujours l’infini.

    Il y a une notion qu’on retrouve souvent dans le talmud (Yébamot 115A, 121A) qui s’appelle « maïm chéèn lahem sof », de l’eau qui n’a pas de fin.
    L’Égypte, à l’époque, était le véhicule terrestre de l’entité spirituelle du mal empêchant toute relation ou union avec l’infini, avec Hachem. Dans la mesure où le peuple d’Israël est le véhicule de cette union, il devait se confronter avec l’Égypte.
    Le maître de l’Égypte s’appelait Far’o.
    En hébreu, ce mot s’écrit au moyen des mêmes lettres avec lesquelles on écrit le mot « oref », c’est-à-dire nuque.

    Le côté arrière de la personne symbolise toujours le mal alors que la face symbolise le bien.
    Le niveau le plus haut de l’arrière est la nuque, or, la tête est la partie de la personne qui permet à l’être de se mettre en contact avec les idées spirituelles, avec l’infini, contrairement aux endroits plus bas que la nuque qui n’ont aucune relation avec les notions spirituelles, et ne perçoivent que le monde limité et matériel.
    Donc exactement à l’endroit du contact entre le corps et la tête, c’est-à-dire l’endroit qui permet de lier le matériel au spirituel, se trouvait Far’o pour justement empêcher cette union qui est en fait le but ultime de la création du monde.

  5. Nous rejoignons un peu le point 3.Quelqu’un vient 3000 ans plus tard et invente une thèse.
    Elle n’est prouvée par rien, ce n’est qu’une thèse intuitive.

    Comment peut-elle être comparée à une thèse prouvée rationnellement, non seulement par le biais des preuves que j’expose dans le cours « La preuve irréfutable », mais aussi par la contemporanéité du texte (à ce titre, consulte les cours intitulés « La véracité de la Torah » et « La preuve ») ainsi que par toute l’histoire juive jusqu’à aujourd’hui qui est une preuve vivante de l’authenticité de la torah de par sa singularité et son éternité ?

    Ce n’est franchement pas comparable.

  6. La méthode rationnelle de démonstration de versets de la Torah ne s’appuie que sur le sens premier et littéral du texte. Comme je l’explique dans le cours « La preuve irréfutable », il s’agit du sens qu’en donnerait un enfant de 6 ans qui parle hébreu.Il existe bien entendu d’autres lectures beaucoup plus éloignées du sens littéral, mais il est impossible de se baser sur ce type de lecture pour en faire une démonstration rationnelle. Cela est évident et cela a été clairement exprimé dans mon introduction au cours « La preuve irréfutable ».

    Comme le dit Rachi :
    « Ein mikra yotsé midé pechouto », le sens de l’écrit ne sort pas de son sens simple.
    C’est-à-dire que bien qu’il y ait d’autres sens possibles, le sens simple est toujours présent, et ce n’est bien sûr que sur lui que nous nous basons dans le cadre des démonstrations.

    Sinon, effectivement, les mots démonstration et rationalité n’ont plus lieu d’être.

  7. Rien de nouveau à cela.Le Talmud, traité Sanhédrin page 21B écrit au nom de Mor Zoutra ou de Mor Oukva qu’au début, la Torah a été donnée au peuple d’Israël en écriture ivrit (hébraïque) et en lachon hakodèch (langue sainte).
    Puis, à l’époque d’Ezra, elle leur a été donnée à nouveau en écriture achourit et en araméen.
    Israël a choisi l’écriture achourit et la langue sainte, donc les 4 entités citées sont saintes.

    Néanmoins, Israël a préféré utilisé les plus saintes d’entre les 4 soit le lachon hakodèch et l’écriture achourit.
    Cela n’enlève absolument rien au caractère divin et sacré de ces textes car il en demeure qu’ils ont été transmis par Hachem à Israël par le biais des prophètes.
    Le contact prophétique entre Hachem et Israël ne s’arrête qu’après Malakhi, soit environ 400 ans avant l’ère chrétienne.

    Hachem communique avec son peuple aussi après Moïse, comme cela est clairement écrit dans la Torah (Devarim 18, 18) :
    « Je susciterai un prophète du milieu de leurs frères tel que toi (tel que Moché) et Je mettrai Mes paroles dans sa bouche, et il leur dira tout ce que Je lui ordonnerai ».

    Donc d’après cela, la sainteté des lettres achourit n’est pas différente de celle des lettres ivrit, elles dépendent toutes d’Hachem par le biais des prophètes d’Israël.

Au revoir,
Rav Ron Chaya

 

Référence : 13935
Date question sur Leava : 2011-07-20 00:07:40