Cher Rav,
Je souhaiterais vous soumettre un questionnement face à une situation de la vie à laquelle tout un chacun peut-être confronté.
Il peut arriver que dans notre relation à autrui nous nous retrouvions blessé, humilié , malmené, voire harcelé :
un patron autoritaire, un voisin inflexible, un conjoint irrespectueux, un enfant opposant, un parent récalcitrant, un employé procédurier…
On peut avoir à faire face aux mauvaises midot d’autrui sans qu’aucune communication bienveillante ne puisse s’établir ou sans que notre tentative d’approche ne puisse apaiser la relation où la dynamiser sur un autre mode.
Si cela peut se résoudre assez facilement lorsque la situation est ponctuelle (on dit même que parvenir à se contrôler sans rétorquer dans une telle situation est source de bénédiction), le problème devient plus complexe lorsqu’il est récurrent ou chronique.
S’il on est une personne de Torah, on s’appliquera à juger l’autre favorablement, à se remettre en question, à faire téchouva sur ce qui a pu entraîner une telle situation, prier pour que cette expérience douloureuse soit une Kapara.
Dans un élan d’humilité on peut choisir de déconsidérer la peine qu’on nous inflige et faire taire en nous tout ressentiment, colère, amertume et évidemment toute velléité de rancune ou de vengeance.
On va chercher à pardonner tout en remerciant Hachem de nous donner l’occasion d’accomplir la mitsva de la Torah de ne pas haïr son prochain, de ne pas se venger et ne pas tenir rancune.
Bref, accepter avec soumission ce qui vient d’Hachem, l’autre n’étant qu’un mandataire entre les mains du Créateur ainsi que nous disons à la fin du Chmonei Essre : « Vélimekalelay nafchi tidom,venafchi keafar lakol tiyié » : « que mon âme se taise devant ceux qui me maudissent et qu’elle soit comme de la poussière face à tous ».
Parfois un flash-back éclair dans notre passé éveillera notre culpabilité (c’est si humain) et nous fera imaginer que tout cela est bien mérité voire même, que ce sont nos propres insuffisances qui ont suscité qu’on nous agresse de la sorte.
Pourtant cette réaction si active dans l’intériorité de notre travail personnel du perfectionnement de soi, peut sembler passive aux yeux de celui qui nous importune et générer des conséquences peu souhaitables.
Alors dans ce genre de situation, est-il préférable de réagir, de défendre notre dignité, notre tselem helokim (étincelle divine) et notre équilibre ?
Mais le risque est de sombrer dans des querelles désagréables et si décevantes lorsqu’on a pour ambition de servir Hachem avec amour et simh’a, lorsqu’on souhaite lutter contre la sin’at h’inam (haine gratuite) qui fut la source de la destruction du Beth Hamikdach et que l’on cherche à asseoir Le Chalom dans le Klal Israël, élément indispensable à la venue du Machiah’.
Et si je choisis de me défendre, quel droit ai-je d’interférer sur la volonté divine qui m’envoie cette épreuve sans doute pour m’améliorer et sûrement pour de justes raisons qui m’échappent totalement.
Ou bien faut-il être totalement soumis et accepter avec confiance et patience ce que l’autre nous inflige en essayant de contrôler son chagrin ou sa colère ?
Mais ne court-on pas le risque de perdre à la longue sa respectabilité, le risque de la tristesse, de l’amertume ou le risque de flancher nerveusement à essayer de supporter l’insupportable (qui peut prétendre avoir une solidité à toute épreuve ?) ?
Enfin, on court en plus le risque d’encourager l’autre à surenchérir dans sa manière de nous faire du mal puisque la voie est libre, et de sombrer ainsi dans une relation que l’on pourrait qualifier de masochiste.
Dernier point soulevé, si cet autre qui m’agresse n’est qu’un bâton entre les mains du Créateur, comment arriver à aimer ce bâton qui me frappe puisque j’ai la mitsva d’aimer mon prochain comme moi-même ?
Je serais contente d’avoir vos réflexions sur ce sujet.
Avec mes compliments renouvelés pour votre extraordinaire travail.
Très sincèrement.
Réponse du Rav Ron Chaya :
Chalom,
Il y a deux parties en nous :
La partie sentimentale, et la partie rationnelle.
Lorsque notre partie sentimentale est agressée, nos midot veulent réagir :
Haine, nerfs, vengeance, etc.
S’il ne s’agit que de cela, avec un bon travail sur soi, on pourra museler nos parties mauvaises et ne pas les laisser s’exprimer.
Néanmoins la chose est plus fine.
Comme vous dites dans votre mail, d’un côté, il y a ces pulsions de réaction, mais il y a aussi une explication rationnelle disant que je ne peux pas laisser la situation ainsi sans me défendre, sans expliquer à l’autre où il n’a pas été correct, et que j’ai même une mitsva de le faire comme le dit la Torah : « hokhia’h tokhia’h èt amitékha » (obligation de corriger l’autre).
Cela se complique car d’un côté, il y a une mitsva de corriger son prochain, mais d’un autre côté, celle-ci est motivée par mes pulsions intérieures négatives.
La situation à adopter est la suivante :
Attendre que toutes les pulsions intérieures se calment, s’effacent – cela peut prendre plusieurs jours -, et lorsque tout s’est bien calmé et qu’à la rigueur, on n’a même plus envie de parler de cela, alors, à ce moment-là, aller en parler à l’autre.
On le fera beaucoup mieux que si on le fait à chaud.
Effectivement, ce ne sera plus alors une réaction motivée essentiellement par mes mauvaises pulsions, il s’agira d’une réalité objective rationnelle dénuée de toute réaction sentimentale ou de mauvaises midot.
Donc en deux mots, il faut régler le problème, mais pas être en situation de réaction.
Attendre que toutes nos pulsions de réaction se calment et là régler le problème comme nous le demande la Torah et pas simplement se laisser marcher dessus sans agir.
Je dis bien agir et non réagir.
Il me semble que je parle de cela dans les cours La finalité du couple mais je n’en suis pas certain.
Au revoir,
Rav Ron Chaya
Référence Leava : 70862
Date de création : 2016-06-05 17:27:19