Je souhaiterais tenter une réfutation à vos arguments de la preuve irréfutable…

 

Chalom,

 

Aujourd’hui je souhaiterai apporter ma contribution, au défit que vous lancez à l’issue de « La preuve irréfutable » et tenter une réfutation.

Vous ne cessez de répéter que la probabilité pour que toutes les prophéties présentées tombent justes, représente un nombre énorme et plutôt d’imaginer que c’est à ce hasard statistique auquel on a à faire, vous en concluez que Hachem est l’auteur de la Torah.
Malgré tout, nous savons bien qu’en statistique si l’on met suffisamment de singes devant suffisamment de machines à écrire, il existe un singe capable de taper « Les Misérables » de Victor Hugo.
Bien entendu ce nombre excède largement le nombre de singes et de machines à écrire qui existe sur terre, mais malgré tout puisqu’il n’en suffit que d’un (singe), peut être est il là parmi nous bien que nous l’ignorions et se singe ne serait pas un géni ou un envoyé du ciel.
Et si je m’attache à ce petit hasard statistique (qui existe quoiqu’on en dise), c’est pour réhabiliter la posture du croyant que vous fustigez en début de conférence.
En effet si il existait véritablement une preuve irréfutable que la Torah soit d’origine divine (c’est à dire une preuve qui éliminerait l’hypothèse statistique précédemment citée) j’ai tendance à penser que le libre arbitre humain en serait annihilé et nous serions en contraction avec le judaïsme lui-même.

Je m’explique :
imaginons que l’Ange Gabriel dans son habit de lumière sonne à ma porte, me montre par la toute puissance de son pouvoir les grâces ou les rigueurs du jugement qui nous sont possiblement réservés (nous sommes d’accord que cette preuve serait particulièrement irréfutable) puis qu’Il « m’invite » à corriger ma conduite en me demandant d’être plus pratiquant que je ne le suis ; il semble assez évident, qu’écrasé par la démonstration qui m’aurait été faite, chacune de mes actions ne serait plus le produit de mon engagement, de mon libre choix, mais celui de ma peur.

Or nous savons bien que tout est dans la main d’Hachem sauf la crainte d’Hachem. Autrement dit, seul le doute permet à l’individu d’être libre.
Si une preuve détruit le doute, elle détruit la liberté.

Je me permets également une autre remarque :
Dans plusieurs de vos cours vous dites qu’il n’existe qu’une vérité, comme il n’existe qu’une seule réalité. J’ai le sentiment de ne pas partager ce point de vue.
De la même manière que la vision que j’ai du monde du haut de mon 1m90 n’est pas la même que celle d’une autre personne mesurant 1m58, il y a toutes les chances que mon rapport à la vérité ne soit pas le même qu’autrui sans que l’un ai raison vis à vis de l’autre.
Si nous prenons la peine de parler du D.ieu d’Abraham, du D.ieu d’Isaac et du D.ieu de Jacob dans la prière alors qu’il s’agit bien du même D.ieu c’est parce qu’il nous faut entendre que la perception de D.ieu (la vérité) d’Abraham n’était pas la même que celle d’Isaac ou Jacob.
La vérité absolue dont vous parlez me semble être la somme de toutes les vérités relatives, comme la vraie vision de la réalité ne peut être que la somme de toutes les visions du réel de chacun, car, je le répète, le monde n’est pas le même, que l’on soit grand ou petit sans que l’un ai raison et l’autre tort.
Chaque juif est convié à l’étude car chacun étant unique, la parcelle de vérité qu’il extrairait de la Torah, seul lui était capable de la mettre au monde.

Je vous remercie de l’attention que vous voudrez bien porter à mes remarques.
Dans l’attente de votre réponse.
Bien à vous
Stanislas.

Réponse du Rav Ron Chaya : 

Chalom Stanislas,

Tu m’écris que si l’ange Gabriel se dévoilait à toi en « t’invitant à corriger ta conduite », tu serais écrasé par la démonstration qui t’aurait été faite, et que chacune de tes actions ne seraient plus le produit de ton engagement, de ton libre choix, mais celui de ta peur.
Or nous savons bien que tout est entre les mains d’Hachem sauf la crainte d’Hachem, ceci est le sens de ta question.
Ce à quoi je t’objecte que nous avons eu nous, Am Israël, une démonstration de ce type beaucoup plus puissante, ce n’est pas l’ange Gabriel, mais D. Lui-même qui S’est dévoilé au peuple entier au mont Sinaï, et néanmoins D. nous y ordonne d’avoir Sa crainte, donc le fait de savoir de façon totale et absolue que la Torah est la volonté divine n’enlève en rien notre libre arbitre, car nous avons des pulsions mensongères en nous qui n’ont que faire de la vérité, elles veulent jouir et satisfaire leur envie, c’est tout.
Dans cette mesure, nous avons un libre choix bien que nous sachions de façon totale que l’Eternel et Sa Thora sont vrais.

Ton argument sur les singes et les machines à écrire est très trompeur, car il ne faudrait pas remplir toute la terre de singes et de machines à écrire, mais même si tout l’univers, c’est-à-dire 15 milliards d’années lumières, était rempli de singes tapant à la machine, il est clair qu’aucun d’eux, absolument aucun, n’arriverait à écrire « Les misérables » de Victor Hugo, et encore moins, bien sûr, la Thora.

A propos des statistiques :
je t’invite à jouer avec moi aux dés, chaque fois que tu perdras tu payeras 10 €. Nous jouons ainsi, et la première fois j’ai 6-6, la deuxième fois aussi, la troisième fois aussi. Au bout de combien de fois diras-tu que les dés sont truqués ?
Il est clair qu’après 50 fois tu arrêteras de jouer.

Je te dirai « mais pourquoi ? », tu me diras « mais c’est clair que les dés sont truqués », je répondrais « non, ce n’est pas clair, car il y a une chance sur des milliards de milliards que ce soit le fruit du hasard ».
Est-ce que tu accepterais de jouer avec moi une 51ème fois ?
Certainement pas, car bien que du point de vue statistique, il y ait une chance sur des milliards de milliards que ce soit le fruit de hasard et que la 51ème fois tu gagnes et pas moi, néanmoins, ta logique humaine te dicte qu’on ne prend pas en considération une chance sur des milliards de milliards, même s’il s’agit de perdre 10 €.
Donc, bien qu’au niveau statistique pur, il soit vrai qu’il y a une chance sur des milliards de milliards de milliards que ma démonstration ne soit pas probante, néanmoins dans la logique humaine du vécu, cette proportion est tout à fait négligeable et n’a absolument aucune importance, et dans le langage humain il n’y a aucun problème à qualifier cette preuve d’irréfutable.
D’autant plus que l’enjeu ici n’est pas de gagner ou perdre 10 € mais de réussir ou rater sa vie !

A propos du deuxième point :
Il est vrai que chaque personne a une perception propre et relative de la vérité, néanmoins la vérité a des paramètres suffisamment universels pour que deux personnes puissent, ensemble, en se pliant à ces paramètres, définir si une proposition est vraie ou fausse.

Par exemple, toute personne au monde devra se plier à la vérité suivante :
si a=b et b=c alors a=c.
Il s’agit ici d’une proposition vraie, et n’importe quelle personne, quelle qu’elle soit et quelle que soit sa perception, ne pourra pas démonter cette vérité, et tout le monde sera d’accord pour dire que si a=b et b=c, il est fou de dire que a n’est pas égal à c.
Donc bien que chacun ait, dans une certaine mesure, une perception subjective, néanmoins, quand on parle de vérité, on utilise des paramètres objectifs universels, si ce n’est pas le cas nous n’aurions aucun moyen de savoir où est la vérité, ou même de débattre ensemble d’un sujet dans la mesure où, pour débattre, on fait forcément référence à ces paramètres universels de la raison.
Lorsque la Guémara donne un avis, objecte, réfute et conclut, elle ne fonctionne que d’après ces paramètres de vérité.
Il pourra arriver, certes, que deux rabbins disent deux avis contraires sur une même vérité et que les deux soient considérés comme vrais (voir Irouvin, page 13b, où la Guémara conclut que les paroles de Beth Chamaï et les paroles de Beth Hillel sont les deux des paroles du D. vivant, bien qu’elles soient contraires).
Néanmoins, ces deux approches sont toutes deux compatibles avec les paramètres raisonnables de vérité.
Mais le troisième avis, celui de Tartempion, n’étant pas compatible avec ces paramètres, est considéré comme faux.

Au revoir,
Rav Ron Chaya

 

Référence Leava : 7725
Date de création : 2009-12-22 14:12:52